16 mars 2008

COUPS DE CŒUR N°24

Contrairement à ce que j’ai pratiqué jusqu’ici dans cette rubrique, je voudrais vous parler de livres qui m’ont plu mais qui n’ont rien à voir avec Venise sauf peut-être que je les ai lu en y allant, où dans notre jardin de Dorsoduro, où encore à la terrasse du Margaret Duchamp, de Nico, du café del Paradiso ou du Harry’s Dolce. D’autres parce qu’ils sont allés rejoindre les rayons de notre bibliothèque vénitienne à l’attention de nos hôtes à venir. Quant aux disques, ce sont vraiment des coups de cœur.
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Julian Barnes 
Un homme dans sa cuisine
Mercure de France, 2008

Imaginez un peu, un britannique qui parle de cuisine sans haut-le-cœur quand il mentionne l’ail et les pratiques culinaires françaises, cela montre que la Perfide Albion a bien changé (hélas parfois) depuis le passage de la terrible Dame de Fer. Du temps de Shelley ou de Browning, les anglais colonisaient Venise et le reste de l’Italie, produisant dans leurs villégiatures exotiques de Capri ou des Îles Borromées, les chefs d’œuvres que l’on sait. Aujourd’hui, ils s’en prennent au Périgord ou aux Landes et Barnes fait partie de ces intellectuels branchés qui fonctionnent à l’obsession. Vivant à deux cents à l’heure, cuisiner est pour ces bobos une activité qui doit être cadrée, rationnelle et répond systématiquement à des critères bien définis. C’est ce qui fait l’intérêt de ce petit livre. On y suit les péripéties de l’auteur dans ses velléités gastronomiques. Il collectionne les livres de recettes, en jette parfois et panique complètement quand l’explication fournie n’est pas assez précise. Aucun sens de l’improvisation, aucune confiance en son bon goût ni en son flair. Avec beaucoup d’humour, il raconte au fil des pages son combat pour réussir des plats et avoue ruser en passant par la case traiteur. Il faudra décidément de longues décades pour que ce peuple sache se détacher de son flegme et de sa rigueur victorienne. Même en cuisine. Un des plus célèbres écrivains anglais d'aujourd'hui nous livre ainsi un désopilant récit de ses trouvailles (parfois curieuses comme le saumon aux raisins secs), de ses échecs (souvent savoureux comme le lièvre à la sauce au chocolat) et de ses coups de gueule (ah, ces livres de cuisine tous aussi imprécis les uns que les autres !). Il nous fait partager ses angoisses et bien sûr ses enthousiasmes - en nous livrant au passage quelques (demis) secrets.
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Hippolyte Taine
Vie et opinions philosophiques d’un chat
Éditions Payot-Rivages
Petite Bibliothèque poche. 2008

Paru en 1858 à la Librairie Hachette, le célèbre Voyage aux Pyrénées, illustré par Gavarni et d’autre talentueux dessinateurs, contenait ce petit texte humoristique qui reparaît enfin. Ce petit classique de la littérature sur les chats (j’allais écrire de la littérature pour les chats…) a pris sa place sur les rayonnages de notre bibliothèque vénitienne. Le chat narrateur est pourtant un lointain cousin de nos matous vénitiens. C’est un chat campagnard qui en quelques pages raconte sa vie et ses expériences, du jour où il a ouvert les yeux jusqu’au soir de sa vie, où, repu et satisfait, il tire quelques conclusions qui ont fait dire à l’auteur «j’ai beaucoup étudié les philosophes et les chats. La sagesse des chats est infiniment supérieure». La très belle illustration de couverture est due à Gerrit Greve. A offrir à tous les amis des chats et aux autres qui ne le sont pas encore.
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Mavis Gallant
Laisse couler

Éditions Payot, Rivages. 2008
Coll. Rivages Poche/Bibliothèque étrangère n°599
"Les nouvelles ne sont pas des chapitres de roman, dit Mavis Gallant. On ne doit pas les lire l’une après l’autre comme si les histoires se suivaient. Lisez-en une. Fermez le livre. Lisez quelque chose d’autre et revenez plus tard. Les nouvelles peuvent attendre. Peut-être, mais pas celles-ci, croyez-moi." écrit Russell Banks dans sa préface. Canadienne de langue anglaise, née à Montréal en 1922, Mavis Gallant vit à Paris depuis 1950. Elle y écrit des histoires courtes qui font d’elle l’une des plus grandes nouvellistes de notre époque. Quand on le commence, on ne lâche plus ce petit livre de la très jolie collection Payot Rivages.
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Salomone Rossi
Vocal works
Ut Musica Poesis Ensemble, L’Aura Soave Ensemble & Hypothesis
Label Symphonia, 2008
Ce compositeur auprès de la cour de Mantoue était à son époque une célébrité. Ami et collègue de Monteverdi (sa sœur créa le rôle d’Ariane dans le Lamento d’Ariane de Monteverdi, Rossi jouant dans l’orchestre), on ne dispose malheureusement que de bien peu d’éléments biographiques et il semble que bon nombre de ses œuvres aient été perdues, en particulier après le sac de Mantoue par l’armée autrichienne, sans parler de la peste qui s’ensuivit (il était habituel de détruire par les flammes toutes les possessions des pestiférés). Dans ce disque de très bonne facture, le label Brilliant Classics a choisi de nous présenter des madrigaux à quatre voix parmi les plus tardifs, ainsi que les superbes Cantiques de Salomon et surtout des madrigaux pour une voix seule, accompagnée du théorbe. Rossi fut l’un des premiers musiciens, précurseur du baroque en cette toute fin de la Renaissance, à se pencher sur le langage nouveau du chant monodique, accompagné harmoniquement par un simple instrument. Ancêtres vénitiens du Lied, Ces pièces instrumentales et vocales témoignent de la hardiesse de style et de langage de Rossi. En complément de programme, quelques ouvrages de Purcell et Campra, plus tardifs de deux générations, mais dans la lignée d’une certaine conception à l’italienne et qui furent beaucoup joués à Venise.
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L'organo nella Venezia del XVI secolo : Claudio Merulo, Andrea Gabrieli, 
Hans Leo Hassler, Gioseffo Guami, Massimiliano Raschetti, 
Orgue Colombo de 1532
Label Symphonia
Une radiographie complète de la musique d'orgue vénitienne du XVIe siècle, voici ce que nous offre Massimiliano Raschetti sur un très bel orgue de 1532. La musique autant que l'orgue sont colorés comme des verres ou des bijoux vénitiens : l'idéal de cette époque alliait l'exubérance byzantine et la vitalité de la culture arabe, qui se rejoignaient dans ce port ouvert à toutes les influences artistiques et intellectuelles. Trois pièces inhabituelles dans ce programme : des compositions poétiques d'origine populaire, collectionnées sous le nom de l'éditeur Andrea Antico. Toute en grâce et en délicatesse, elles témoignent des aspirations esthétiques de tout un chacun en ces temps. Il faut noter l'utilisation judicieuse de percussions pour en souligner le caractère dansant. Un bijou.

12 mars 2008

Almoro Morosini et le chien féroce

Je passais l’autre jour calle Lunga santa Maria Formosa et, aux pieds de l’une des énormes façades du palais Ruzzini-Priuli (longtemps abandonné et dont je vous ai déjà parlé dans un précédent article), je songeais à la terrible aventure vécue à cet endroit même par le jeune et fringant Almoro Morisini, une anecdote peu connue. Laissez-moi vous la conter si vous ne la connaissez-pas.

Au tout début du XVIIIe siècle, un jour où la Sérénissime avait organisé des festivités, une course de taureaux avait lieu sur le campo Santa Maria Formosa, Almoro Morosini, qui n'était alors qu'un jeune notable bien de sa personne et tranquille, avait été accosté par quatre malfrats au visage masqué qui voulurent s’en prendre à lui. 
 
Le jeune homme se défendit avec une telle énergie que non seulement il vint à bout des quatre malandrins mais aussi de leur chien, un molosse dressé à attaquer, qu’il parvint à tuer. Il mit tellement de force en s’attaquant à la bête qu’il la fendit en deux avec son épée. Le geste devint fameux et le peuple vénitien en fit une expression longtemps employée "Gnaca el stoci del Morosini che à tagià el can per mezo".:" ("Il faudrait le coup d'épée de Morosini, qui a coupé le chien en deux")...
 
Depuis le balcon du Palais Ruzzini où il séjournait, le fougueux Prince Eugène de Savoie-Carignan fut témoin de la rixe et resta émerveillé par la bravoure du jeune homme qu'il se fit présenter. Il s’en fit un ami et lui offrit une belle Vierge peinte par Le Corrège.
 
Au même endroit, en 1765 un incendie détruisit plusieurs boutiques et causa la mort de trois personnes. Des ruines fumantes, on raconte qu’on vit sortir un chien furieux que personne n’avait jamais vu. Bientôt la populace raconta dans toute la ville, qu’il s’agissait du chien tué par le jeune patricien qui revenait pour se venger. On l’avait même distinctement reconnu : il était coupé en deux et sanguinolent. L'horreur digne d'un film d'épouvante... S'étant faufilé dans les ruelles voisines, il aurait même dévoré un nouveau-né dans une bicoque voisine. On dit que le fantôme de la bête rode encore autour de la calle où il fut battu à mort par le jeune Morosini…  
 
Le peuple de Venise aimait ces histoires de magie et de sorcellerie que l’Inquisition avait beaucoup de mal à faire taire. Je tiens ces histoires d’une de mes vieilles cousines qui jusqu’à sa mort, il y a une quinzaine d’années, vivait calle della Mandorla, près de la Fenice, dans une maison remplie de livres sur Venise dont j’ai pu récupérer quelques volumes. Quand elle racontait ces histoires parfois véridiques, souvent alambiquées et romancées, elle prenait un aspect particulier, qui la faisait traiter de vieille sorcière par certains des plus jeunes de mes cousins. 
 
Elle connaissait bien Hugo Pratt qui discuta souvent avec elle et s'inspira sans aucun doute de ses histoires. Tous les jours, tant qu’elles purent marcher, avec son amie la Comtesse Marcello, elles sortaient se promener jusqu’au Florian et après avoir bu leur verre de vin, elles revenaient, saluées sur leur chemin par tous les vénitiens qu'elles croisaient sur leur passage. Un de leurs meilleurs amis portait le même prénom que son vaillant ancêtre. Il avait une peur panique des chiens...
 

4 commentaires:

Sophie a dit…

ça fait quand même froid dans le dos ces histoires ! Vous en savez des choses passionnantes.A quand un livre sur Venise Lorenzo ?

 
Anonyme a dit…

oui un livre d'un vrai amoureux de Venise!!!
Où se situe la calle Lunga de cette histoire?

Lorenzo a dit…

C'est la rue qui va de la place vers San Lorenzo et la Questure avec à l'angle le bar de l'Horloge, près de la maison du vainqueur de Lépante.

 
géraud a dit…

Campo Maria Santa Formosa est un des mes préférés.
L'église est belle et les palais aussi.

04 mars 2008

Deux recettes de mon carnet

Cette petite promenade gourmande m'a ouvert l'appétit ! Je ne résiste donc pas au plaisir de vous donner deux recettes que j’aime bien réaliser, en modifiant les ingrédients en fonction des arrivages et de l’avancée de la saison. Car il s’agit de plats qui font la jonction gustative entre les mets roboratifs de l’hiver et ceux plus légers et parfumés qui annoncent le printemps.

2 commentaires:  (archivés par Google)

Petite Fée a dit…
Merci pour ces bonnes recettes!
délicieux vraiment merci pour vos recettes et vos articles je me régale chaque jour !

19 février 2008

Hommage à Silvio Ceccato


Se tu mi dai una moneta e io ti do una moneta ognuno di noi ha una moneta. Se tu mi dai un’idea e io ti do un’idea ognuno di noi ha due idee. 
 
«Si tu me donnes une pièce et que je te donne une pièce, chacun de nous a une pièce. Si tu me donnes une idée et que je te donne une idée, nous avons chacun deux idées.»
 
Cette jolie pensée est de Silvio Ceccato, un homme brillant, philosophe, savant spécialiste de l'intelligence artificielle (il est le créateur d'Adamo II, le premier protoype d'intelligence artificielle italien, qui était destiné à reproduire les états mentaux de l'homme). Il était aussi - cela me touche beaucoup - violoncelliste et compositeur émérite, disparu en 1997. Il mettait le bonheur et la félicité au-dessus de tout et tout au long de sa vie, ses recherches et ses écrits n'eurent qu'un sujet  la Joie. Il souhaitait rendre la vie de l'homme plus facile et plus heureuse. Il aimait beaucoup Venise.
 

Silvio Ceccato à gauche, avec Lucio Fontana (assis) et Pino Parini, à Milan, 1964.


 

2 commentaires:

anita a dit…

Depuis que j'ai "déniché" votre blog , il me semble bien que , sans lui , ma vie serait un peu moins riche . C'est comme une rencontre bénéfique : bien sûr on vivait avant elle , mais un peu moins bien ...
Merci

Delphine R2M a dit…

Bonjour Lorenzo,
Cela faisait longtemps que je n'étais pas venue vous rendre visite dans votre Tramezzinimag, me revoilà à nouveau lectrice, et c'est une jolie pensée que celle de Silvio Ceccato m'accueille ce soir, merci!
A bientôt, Tramezzinimag me manquait, et j'ai pris mes billets pour Venise...

18 février 2008

Et Venise peu à peu sort de l'hiver...

Me revoilà. Tout est en place, sur les rails et ma nouvelle organisation devrait me permettre de mieux me consacrer à TraMeZziniMag et à l'écriture. Enfin, j'espère. Le ciel bleu et le soleil printanier de ces derniers jours m'invitent plutôt au farniente, mais il faut résister ! Je vous remercie en tout cas, mes fidèles lecteurs pour les gentils encouragements que vous me faites régulièrement parvenir. Allez au travail, tâchons d'avancer. Pro Venetia !

13 commentaires:

anita a dit…

Merci pour cette bouffée de printemps avant mars !

Anita

Florence a dit…

Enfin de retour!!Vite, vite des nouvelles de Venezia....
A presto.

Marie a dit…

Juste un petit mot pour assurer de ma fidélité même si je ne me manifeste pas souvent (l'arrivée d'un doublon de petits-fils ....;-) )et heureuse que vous vous atteliez à l'écriture: vous avez un si joli talent que c'est un plaisir d'imaginer le voir se développer.
Continuez à nous ravir.
Avec mes remerciements pour tout le bonheur que vous m'apportez, mes amitiés.
Marie

Choubine a dit…

Ravie de vous retrouver! Et comme elle est belle, cette photo...

Maité a dit…

Merci pour le bonheur et la bouffée d'oxygéne que vous apportez dans ma vie- et quelle belle écriture !

Anonyme a dit…

Chic, chic, chic, c'est reparti ...

anita a dit...

Lorenzo : " Au bonheur des dames " .....

Anonyme a dit…

L'anonyme du dessus vous salue bien...
J@M
(Le jour où j'arriverai à faire marcher ce machin...)

mhaleph a dit…

Félicitations pour cette superbe photo.

Anonyme a dit…

Est-ce ainsi que nous allons découvrir Venise ? J'y retourne pour la deuxième fois, en famille cette fois-ci avec mes trois enfants (11, 9 et 6 ans ) espérant leur émerveillement.
Grace à votre blog, je suis déjà dans la ville, me perdant depuis un mois dans vos commentaires et photos.
Merci pour ces regards et la générosité de votre partage.

catherine

Lorenzo a dit…

Quelle chance ils ont bien sur qu'ils vont être émerveillés ! Je vous recommande pour eux un excellent petit ouvrage d'Elisabetta Pasqualin "Les enfants à la découverte de Venise" paru chez Lapis Palombi Editori. Vous risquez d'avoir du mal à le trouver. En tout cas sur place aucun problème. Il présente la ville aux enfants. Un autre petit livre rigolo pour les enfants de 11-12 ans de la collection c'est pas sorcier : Eaux troubles à Venise (Nathan), une enquête policière à Venise et pleind e renseignements en même temps qu'une révision de matrhs et sciences ! Bon voyage !

Florence a dit…

Bien sur qu'ils vont aimé Venise. Elle a un coté ludique de se déplacer en vaporetto!
Pour mieux comprendre leurs racines j'avais donné à lire à mes enfants "Les villes ont une histoire...Venise" dans la collection Globe-Trotter chez Larousse.
Lorenzo, que se passe-t-il avec cette marée curieusement si basse jusqu'à changer les itinéraires des vaporetti???
Cet après-midi je fais des fritelle alla veneziana. Hum!!les beignets du carnaval.
A presto.

10 février 2008

Pardonnez-moi !

Pardonnez ce long silence, mais je dois m'esquiver quelques jours : mes fonctions m'appellent et je ne puis plus reculer : je dois remplir mes obligations vis à vis de l'organisation qui vient de me confier sa présidence. Le temps de mettre en place mon équipe et de classer les priorités, mettre de l'ordre dans les dossiers et établir mon plan de campagne, je vais délaisser Tramezzinimag. 
 
Pas longtemps. Je le promets. Quelques jours d'allers et retours harassants entre Paris et Bordeaux. Peut-être un petit passage par Venise, histoire de me ressourcer. Puis je serai de nouveau disponible. J'ai plein d'idées et de textes en tête pour vous faire oublier mon absence et l'immobilisme du blog ces derniers jours. 
 
A presto ragazzi !

9 commentaires:

Florence a dit…

A presto Lorenzo!!!

anita a dit…

....bien sûr vous nous manquez !
Revenez-nous vite !!!

Anita

Choubine a dit…

Tanti auguri!

AG a dit…

Mais nous n'avons rien à pardonner, Cher Lorenzo. Nous saurons tous être patients, j'en suis sûre, pour apprécier encore plus vos si beaux "billets".
Bonne chance à vous dans vos obligations professionnelles.
A bientôt. Agnès

Mercè a dit…

Tanti auguri!!!
Noi saremo qui sperando il tuo ritorno.
A presto.

pierre a dit…

un habitué des longs silences...ne peut déplorer une très courte absence!
Ciao depuis l'altera roma...

J@M a dit…

On saura vous attendre... A bientôt !

douille a dit…

Courage président...

Tietie007 a dit…

A bientôt. Mon voyage scolaire à Venise est en bonne voie, pour avril 2008 !

07 février 2008

Encore un peu de patience...

Il fait encore assez froid ces jours-ci mais le soleil est au rendez-vous. Le ciel devient souriant, plus bleu. Carnaval s'éloigne et ne sera bientôt plus qu'un (mauvais) souvenir. La vie reprend aussi normalement que possible et tout est calme dans notre rue. Encore quelques degrés supplémentaires et il fera bon paresser à la terrasse des cafés en regardant passer les gens. Patience...

4 commentaires:

anita a dit…

Vos photo et commentaire ajoutent encore à mon impatience d'être en Elle!

anita

 
Anonyme a dit…

A parir du 15 février ça sera bon ?

Lorenzo a dit…

Cela commencera d'être parfait. Et si le temps se radoucit, votre séjour sera un régal.

Tietie007 a dit…

C'est vraiment génial, Venise, juste après le Carnaval !

06 février 2008

Les Chinois s'offrent Venise et ses pizzerias

Edwy Plenel et un groupe de journalistes passionné d'information viennent de se regrouper pour fonder Mediapart, un journal d'information virtuel. Un des premiers articles, écrit par Jordan Pouille explore l'envers du décor post-carnaval en décrivant la main mise des chinois sur les bars et les pizzerias de Venise.
 
Le Carnaval de Venise vient tout juste de s'achever et les touristes n’ont rien remarqué. Dans cette charmante petite osteria à côté du pont Rialto, un couple de Français s'embrasse autour d'une pizza et d'un risotto. La carte affiche des prix vénitiens pour une cuisine locale et populaire. Mais derrière le comptoir, la "Mamma" est une petite dame chinoise.

Madame Yin, 50 ans, est la patronne du restaurant ainsi que de deux bistrots de la calle Larga Mazzini. Madame Yin fait partie de cette récente vague de Chinois qui ont bouleversé, en moins de dix ans, l'économie locale. Elle raconte: "Une cinquantaine de restaurants et de bars ont été rachetés par la communauté ces six dernières années dans les endroits stratégiques de Venise : près de la place Saint-Marc, du pont des Soupirs, du Rialto". Des établissements achetés à prix d'or et très fréquentés par les touristes étrangers, où l’on paie 15 euros la pizza plus le verre de Coca et le couvert.

Ces Chinois en question viennent essentiellement de la région du Zhejiang, au sud-est de la Chine, la plus riche des provinces chinoises grâce notamment à sa production de briquets pour le monde entier. Comme la communauté des Chinois de Paris, les nouveaux Chinois de Venise restent entre eux. "On n’a pas beaucoup d’amis italiens, nous vivons dans la maison du patron", explique Jang Feng Ping, jeune barmaid qui bredouille quelques mots d'italien après trois années à Milan puis Venise. Les habitués du bar ne s'en plaignent pas: "les Vénitiens ne veulent plus lever le petit doigt, les Chinois eux travaillent dur et ne se plaignent jamais". Sa voisine : "Ne sois pas hypocrite. Tu sais bien qu’ils achètent ce qu’ils veulent. D’ailleurs d’où vient-il cet argent ? Personne ne le sait."

Au restaurant Florida, sur la calle de la Madonna, le compromis a été choisi. Walter Morriotto s’est associé avec sa serveuse chinoise pour acheter ce nouveau restaurant. "Elle a travaillé pour moi comme serveuse puis elle m'a aidé à faire les comptes. J'ai vu qu'elle était très sérieuse. Quand je lui ai fait cette proposition, sa famille a apporté la moitié des fonds nécessaires en quelques jours", dit-il. Devenue patronne, Geshu Zhang fait venir des compatriotes en nombre. "En échange d’un contrat, nous lui donnons une partie de notre salaire : c’est une sorte de compensation, c'est normal", estime Xiaolong, en cuisine.

Mais Walter Morriotto sait que cette intégration des Chinois à Venise est laborieuse : "Ils ont des sommes très importantes à rembourser à leurs familles. Pour ne pas perdre la face, ils travaillent sans arrêt, ils ont la municipalité sur le dos qui multiplie les inspections d’hygiène. Mais pour se faire mieux accepter des locaux comme des clients, ils commencent à employer des serveurs italiens. Ils ont compris que la mixité était importante pour se faire intégrer".

C'est le cas de Tan Junle qui a remisé ses employés chinois et bengalis aux cuisines. "Depuis l'été dernier, nous faisons appel à des serveurs italiens et les clients sont satisfaits", précise la nouvelle patronne du Xioxio bar. L’ancien propriétaire, Pietro Messo, 68 ans, n’y trouve rien à redire. Il y revient de temps en temps, pour se faire servir un cocktail. "L’ambiance n’a pas changé : le personnel est courtois et le lieu est propre. Que demander de plus ?". A l'office du tourisme de Venise, on ne se plaint pas. Roberta Valmarana: "Cela fait revenir des habitants et des travailleurs à Venise. Même s'ils restent entre eux, qu'il ne participent pas aux animations, ils sont respectés car ce sont tout de même de très bons acheteurs".

D’autres Chinois prennent moins de risques et ouvrent des établissements exotiques, avec la cuisine de leur pays, mais la clientèle n’est pas au rendez-vous. « Les étrangers qui viennent à Venise ne veulent pas manger du riz cantonnais", admet Xia Jen, patron du Temple du Paradis sur la Calle dei Stagneri. Il réfléchit à une conversion de son restaurant et à l’embauche d’un chef cuistot italien.

Dans l'ensemble, cette métamorphose de Venise reflète bien les maux dont souffre l'Italie. Une croissance au ralenti, une natalité au plus bas et le besoin vital de main d’œuvre immigrée et de capitaux étrangers. En 2006, la journaliste du Time Magazine s'amusait d'une nouvelle tendance vénitienne. Dix-huit mois plus tard, le contraste saute aux yeux.

(texte & photos Jordan Pouille)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avais aussi remarqué depuis plusieurs années que les maroquiniers étaient aussi pour la plupart chinois et répartis dans tous les sestiere. Quant au cappucino servi par une charmante serveuse chinoise, il me semble qu'il n'a pas la même saveur, stupide préjugé...

douille a dit…

Très bel article...

douille a dit…

entre une chinoise ou un moustachu qui fait la gueule, j'hésite pas...

04 février 2008

Connaissez-vous le musée Oriental ?

En 1887, le prince Henri de Bourbon-Parme, comte de Bardi et sa femme, la Princesse Marie, fille du roi Ferdinand des Deux-Siciles partent pour un long périple en Orient. Ils ramèneront de leur voyages plus de 30.000 objets rares et précieux, témoins des civilisations qu'ils ont rencontré. Ces objets sont pour la plupart exposés Ca'Pesaro depuis la création du musée en 1928, là où se trouve aussi le musée d'Art Moderne (qui abrite une superbe collection d’œuvres du XIXe et du XXe arrivées à Venise avec la création de la Biennale). 
 
Le Museo d'Arte Orientale représente une des plus importantes collections d'art japonais de la période Edo (1600-1868) en Europe, avec beaucoup d'objets des débuts de cette période mal connue (le Japon s'était entièrement refermé sur lui-même et seuls les hollandais avaient des liens avec le pays). On peut admirer aussi dans les salles parfois exiguës du musée, de très belles pièces de l'art indonésien et chinois. Mais quelle est l'histoire de cette collection ? Comment est-elle arrivée à Venise ? Les fondateurs donnèrent au musée le nom de Marco Polo évidemment.Mais c'est d'un autre qu'il eut peut-être fallu le baptiser.
 
Le prince de Bourbon-Parme, cadet de la famille qui régna sur une bonne partie de l'Italie du sud avant l'unification sous l'égide de la famille de Savoie. C'était un grand voyageur, cultivé et passionné par l'Orient et l'Asie. Il était à l'Italie, ce que son cousin le duc d'Aumale fut à la France. Un de ces princes savants, mécènes et esthètes qui firent à eux seuls bien plus que mille commissions ministérielles pour l'art et la culture... 
 
Henri de Bourbon aimait à voyager. Quand à la fin du XIXe siècle il décida de se rendre en Asie, il prépara son voyage avec beaucoup de sérieux. Nanti d'énormes moyens financiers (la fortune personnelle du prince et de son épouse, née princesse royale de Bourbon des Deux-Siciles, les amitiés tissées avec des savants et des intellectuels, les relations avec les diplomates en poste à Pékin ou à Tokyo facilitèrent les choses). 
 
On dispose du carnet de voyages d'un des membres de la suite du prince. Ces notes nous permettent de suivre presque pas à pas l'expédition. A son retour le prince ramenait des centaines de caisses contenant ces 30.000 pièces qui fond la collection du musée. D'abord installée au Palazzo Vendramin Calergi où résidait habituellement le prince quand il était à Venise (là-même où sa tante la duchesse de Berry habita et où mourut le 13 février 1883, Richard Wagner, son locataire), en attendant un lieu d'exposition adapté, la collection faillit disparaître à la mort du prince en 1905. 
 
C'est un antiquaire de Vienne qui se chargea de la mise en vente. A la fin de la première guerre mondiale, la collection fut attribuée à l'Italie au titre des réparations de guerre. En 1928, une convention passée entre l’État et la Ville de Venise permit son retour sur les bords du Grand Canal. L'installation provisoire à la Ca'Pesaro, magnifique bâtiment légué à la ville par la comtesse Bevilacqua la Masa, dure toujours. L’État a acquis le palais Marcello dans la perspective d'une installation définitive entièrement dévolue aux arts orientaux et qui permettra de montrer la totalité de la collection dont beaucoup de pièces restent en réserve faute de place.

Ce musée peu visité par les touristes est un bijou inattendu. Non seulement pour la qualité des œuvres exposées et le talent du prince qui sut assembler une collection de grande qualité, mais aussi à cause des lieux. Une grande bâtisse calme et retirée. Un silence de monastère. C'est un lieu que j'aime beaucoup. Allez-y, vous comprendrez ce que je veux dire. Il y règne quelque chose de différent que la muséographie contemporaine ne sait plus traduire en dépit de la technique et des moyens employés. Ce côté parfois un peu en retrait, un peu démodé. L'impression que des objets dans leur vitrine va surgir l'esprit de gens venus de très loin auparavant. 
 
Musée Oriental
Ca’Pesaro

Santa Croce, 2076
(ligne 1 ACTV)
Tél. : 041 5241173
Ouvert tous les jours
de 11h à 17h en hiver
et de 10h à 18h en été.

1 commentaire:

Gérard a dit…

Bravo pour cet article !
Il est parfait .
Cette collection résume à elle seule l'esprit oriental de la grande Venise .
Sa grande et on peut le dire éternelle respiration .
Vers le large .
C'est un des lieux de la Sérénissime qui m'a le plus marqué .
Un des lieux .
Que je n'oublie jamais . Là-bas .
Le dernier étage de la Pesaro , le crissement des derniers escaliers , raide l'escalier en bois de ce bâtiment somptueux , appareillé de chaque côté , la proue du vaisseau , la nacre des armes , leur profusion , les innombrables petites boîtes à raffinements , les porcelaines ainsi que , ainsi que , ....
Le grand silence .
Des nobles esthètes .
Disparus .
Mais aussi celui des chemins touristophages .
Mais pas tout à fait quand même .
Comme ceux qui aujourd'hui tiennent les Antiques romains du Louvre .
Ce lieu m'inspire beaucoup .
Quel trésor secret que ce périple que le prince fit !
En quelque sorte , on est loin de la jet-set inutile d'aujourd'hui .
Il reste à certains aristos , encore , ce petit plus qui les différencie !
Et qui parfois m'épate , me comble . Et jamais ne m'agace .
Chapeau pour eux !