03 janvier 2006

Libreria Venexiana

Je voulais recommander ici deux ouvrages parus chez un éditeur indépendant, les Editions "La Bibliothèque", (distributeur : les Belles Lettres), dans une collection élégante au titre alléchant "les écrivains voyageurs" : "Récits vénitiens" de Henry de Regnier et le fameux "Venise" de Jean Lorrain. Deux textes introuvables que tous les amoureux de Venise se devraient d'avoir lu.
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Henri de Régnier, Récits vénitiens
préface de Gérard-Julien Salvy
Ed. La Bibliothèque
Écrivain fin de siècle, admiré de Proust, romancier, poète, essayiste, vénitien de coeur, auteur de Chroniques vénitiennes, Henri de Régnier n'a écrit que ces fictions sur la cité des Doges. L’ouvrage est formé d’une longue nouvelle, "L’Entrevue", qui faisait partie d’un ensemble intitulé "Histoires incertaines" (Mercure de France, 1919), et d’une courte nouvelle, "Le Café Quadri". Ces textes ont certainement été écrits par Régnier au Palais Dario où il fut souvent reçu et qu'il a décrit dans "l'Altana ou la vie vénitienne".
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Né en 1864 et mort en 1936, vénitien de cœur, Henri de Régnier, admiré de Proust, fut romancier, poète, essayiste. Ami des frères Goncourt, de Remy de Gourmont qui fit de lui cette description : "Celui-là vit en un vieux palais d'Italie où des emblèmes et des figures sont écrits sur les murs. Il songe, passant de salle en salle, il descend l'escalier de marbre vers le soir, et s'en va dans les jardins, dallés comme des cours, rêver sa vie parmi les bassins et les vasques, cependant que les cygnes noirs s'inquiètent de leur nid et qu'un paon, seul comme un roi, semble boire superbement l'orgueil mourant d'un crépuscule d'or. M. de Régnier est un poète mélancolique et somptueux: les deux mots qui éclatent le plus souvent dans ses vers sont les mots or et mort, et il est des poèmes où revient jusqu'à faire peur l'insistance de cette rime automnale et royale. Dans le recueil de ses dernières œuvres on compterait sans doute plus de cinquante vers ainsi finis : oiseaux d'or, cygnes d'or, vasques d'or, fleur d'or, et lac mort, jour mort, rêve mort, automne mort. C'est une obsession très curieuse et symptomatique, non pas et bien au contraire d'une possible indigence verbale, mais d'un amour avoué pour une couleur particulièrement riche et d'une richesse triste comme celle d'un coucher de soleil, richesse qui va devenir nocturne"...
Voici un court extrait de la prose de notre vénitien de cœur : "À Venise, on est difficilement malheureux et facilement heureux. Je ne faisais rien de particulier, je ne travaillais pas, je n’allais ni dans les musées ni dans les églises, et mon temps passait délicieusement. J’errais à travers les rues, je visitais les antiquaires, je fumais des Virginia. [...] D’année en année, j’y ai accumulé tant de souvenirs ! Souvenirs tristes, souvenirs très doux... Décidément, je suis atteint de folie vénitienne. [...] Il semble que d’ici, dans la sorte de bien-être égoïste, paresseux et triste où l’on vit, l’on supporterait mieux qu’ailleurs l’oubli, l’ingratitude, l’injustice. Venise est une sorte de labyrinthe, où les chagrins ont plus de peine à vous trouver. Tout ne vous y arrive qu’en reflets, en échos. Chaque journée est un peu comme une fin de vie. [...] Plus je la connais, plus Venise contente mon goût pour le silence, la couleur, la lumière."
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Jean Lorrain, Venise
Préface d’Éric Walbecq
Editions La Bibliothèque

"La plus grande émotion de ma vie" , écrit Jean Lorrain à sa mère en découvrant Venise. Texte rare où retentit cet accord unique entre Venise, ses palais, ses lagunes et cette écriture fin de siècle dite décadente.
Saint-Marc précieux, gorgé comme une phrase de Huysmans ou de Lorrain. C’est la même orfèvrerie...
Jamais auparavant Jean Lorrain n’avait écrit aussi longuement sur une ville. Venise est LA Ville, "Ma Ville" comme il le dit régulièrement à ses correspondants dans ses différentes lettres. Son enthousiasme n’est nullement feint, il est le reflet d’un dernier amour pour une ville, comme Paris fut pour lui au milieu des années 1880 un nouvel espoir. Venise marque donc une apothéose dans sa vie.
Mais peu de gens aujourd'hui lisent le sulfureux Jean Lorrain, né en 1855 et mort dans les bras de sa mère en 1906. Ethéromane, homosexuel, snob décadent, le Paul Duval (son vrai nom) de Fécamps devint un des rois de la vie parisienne fin de siècle. Rémy de Gourmont disait de lui : "...L'auteur de tant de chroniques a été très prodigue de son parfum originel, mais il n'a pu l'épuiser, et l'arbuste a gardé assez de sève pour fleurir avec persévérance : ce sont alors des poèmes, des contes, de petites pages où l'on retrouve, avec plus ou moins de miel, tout le poivre sensuel, toute l'audace parfois un peu sadique du disciple, - du seul disciple de Barbey d'Aurevilly. Né dans l'art, M. Lorrain n'a jamais cessé d'aimer son pays natal et d'y faire de fréquents voyages. S'il est enclin à la maraude, aux excursions vers les mondes du parisianisme louche, de la putréfaction galante, le monde "de l'obole, de la natte et de la cuvette", dont un rhéteur grec (Démétrius de Phalère) signalait déjà les ravages dans la littérature, ..., s'il a chanté (à mi-voix) ce qu'il appelle modestement "des amours bizarres", ce fut au moins en un langage qui, étant de bonne race, a souffert en souriant ses familiarités d'oratorien secret; et si tels de ses livres sont comparables à ces femmes d'un blond vif qui ne peuvent lever les bras sans répandre une odeur malsaine à la vertu, il en est d'autres dont les parfums ne sont que ceux de la belle littérature et de l'art pur; son goût de la beauté a triomphé de son goût de la dépravation. Il ne faudrait pas, en effet, le prendre pour un écrivain purement sensuel et qui ne s'intéresserait qu'à des cas de psychologie spéciale. C'est un esprit très varié, curieux de tout et capable aussi bien d'un conte pittoresque et de tragiques histoires. Il aime le fantastique, le mystérieux, l'occulte et aussi le terrible. Qu'il évoque le passé ou le Paris d'aujourd'hui, jamais la vision n'est banale ; elle est même si singulière qu'on est surpris jusqu'à l'irritation par l'imprévu, quelquefois un peu brusque, qui nous est imposé. Il est, même quand il n'est que cela, le rare chroniqueur dont on peut toujours lire la prose, même trop rapide, avec la certitude d'y trouver du nouveau. Il aime le nouveau, en art, comme dans la vie, et jamais il ne recula devant l'aveu de ses goûts littéraires, les plus hardis, les plus scandaleux pour l'ignorance ou pour la jalousie. A tous ces mérites qui font de M. Lorrain un des écrivains les plus particuliers d'aujourd'hui, il faut joindre celui de poète".
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Repris seulement en 1921 dans un volume de voyages publié à un tirage limité, ce texte fut originellement publié dans la Revue illustrée en deux livraisons en 1905. L’ouvrage, dans une typographie et un papier soignés, comporte trois gravureS.

Compleanno : Happy Birthday Sir Georges !


Je sais, cela n'a rien à voir avec Venise, mais c'est aujourd'hui les 80 ans d'un monsieur extraordinaire, compositeur, chef d'orchestre, producteur, critique : Sir George Martin, le producteur des Beatles qui ne s'est jamais contenté de produire des disques, mais qui a dirigé, modifié, amélioré le son de nombreux musiciens. Je pense à la qualité musicale d'un disque pourtant dit de "variétés" comme l'enregistrement du "Here there and eveywhere" de Paul Mc Cartney interprété par la canadienne Céline Dion.


Happy Birthday, Sir George !

Puisque vous insistez... Blinis express et (mini) panettone

Une lectrice me demande dans un mail la recette du panettone. Je ne sais pas si la mienne est l'authentique, mais elle n'est pas difficile à réussir, bien qu'assez longue, et le résultat est probant puisque tout le monde en redemande. Dans la foulée, voici aussi ma recette de blinis express, quand il faut concocter au dernier moment un dîner select et que les magasins sont fermés....
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Mini panettone
Pour 12 petits panettone, il faut 600 g. de farine, 3 cuillères à soupe de sucre roux, 40 g. de levure fraîche (se trouve en cube), 25 cl de lait frais, 120 g de beurre, 4 oeufs, noix muscade, citron, raisins de Corinthe, fruit confit frais, sel.
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Faire tiédir le lait. Hors du feu y faire dissoudre la levure. Mélanger la farine, le sucre, les œufs, les raisins secs, une pincée de noix muscade , une pincée de sel et le zeste du citron. Bien mélangez jusqu'à obtenir une pâte lisse. Ajoutez le lait avec la levure et mélangez le tout. C'est plus facile avec un robot mais cela peut se faire à la main. Couvrez l'appareil obtenu et laissez reposer 30 minutes dans un endroit chaud. Dans un four préchauffé à 180° C, faire cuire les petits panettone pendant 20 à 30 minutes dans des petits moules à brioche ou mieux dans des moules en bois fin comme on en trouve dans le nord de l'Italie que vous aurez au préalable beurrés et farinés. Laissez tiédir avant de démouler. Nous les enveloppons de papier de soie retenus par des noeuds de raphia, après les avoir recouvert de sucre glace. La version sans raisins et fruits confits ressemble au pandoro que les enfants souvent préfèrent. En tout cas c'est délicieux avec du chocolat chaud ou un bon cappuccino !
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Blinis express
Il faut pour une douzaine de blinis, un pot de yaourt turc ou bulgare, la même quantité de farine, deux cuillères à café de baking powder (ou, mais c'est moins bien, un sachet de levure chimique), du sel et un œuf.
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Mélanger les ingrédients jusqu'à obtenir une pâte lisse à peine plus épaisse qu'une pâte à crêpe normale. Mettre au frais 1 heure à reposer. Faites les blinis dans une petite poêle graissée. Ils gonflent, prennent une jolie couleur jaune doré et sont délicieux. Quand on sait que la véritable recette demande plusieurs heures de travail...

posted by lorenzo at 20:42

Jean Cocteau à la Mostra, Venise, 1948

Anna Magnani et Jean Cocteau.
à la Mostra del Cinema.

.Jean Cocteau et Jean Marais devant la Salute,
en compagnie de Jacques Laurent, alias Cecil Saint Laurent

Venise, les brillantes idées du Studio Azzurro

Connaissez-vous le Studio Azzurro ? Ce groupe de vidéastes milanais, qui depuis plus de vingt ans répand dans le monde une vision souvent très poétique de la vidéo, utilisant tous les moyens techniques imaginables. J'ai retrouvé hier soir, en fouillant dans ma grande malle débordant de souvenirs vénitiens, le carton d'une exposition qui eut lieu en 1984 au Palais Fortuny - qui vient de rouvrir ses portes après sa restauration-. Dans la grande salle du rez-de-chaussée, donnant directement sur le campo, une installation vidéo étonnante attira des visiteurs ébahis. 
Elle est restée dans tous les esprits et c'est aujourd'hui une référence: "Il nuotatore va troppo spesso a Heidelberg" se présentait dans ce local de brique et de bois, comme une piscine reconstituée. Un grand rectangle carrelé de bleu et de blanc sur les parois duquel une vingtaine de moniteurs vidéoposés les uns à côté des autres, montraient un homme en train de nager, filmé sous l'eau. Le montage donnait ainsi l'impression que le nageur avançait d'écran en écran, pour faire le tour de la piscine. Le tout dans une lumière bleutée, un peu voilée, comme souvent dans les piscines publiques. 

Pas un bruit sinon celui d'un corps qui glisse dans l'eau, un chuintement régulier. Cette exposition-performance me fit une très forte impression. C'était très beau. Très fort. Inattendu aussi. Depuis, le Studio Azzurro a produit bien d'autres choses et reste en Italie comme à travers le monde un des mouvements les plus créatifs dans ce domaine, reconnu partout dans le monde.
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Le Studio Azzurro a été fondé à Milan en 1982 par le photographe Fabio Cirifino, le producteur de cinéma Paolo Rosa et le graphiste Leonardo Sangiorgi. Leurs premiers travaux comme celui présenté à Venise utilisaient de nombreux moniteurs pour des installations video environnementales. Ils ont participé très vite à un grand nombre d'évènements artistiques, performances, spectacles, scénographies. En 1995 ils sont rejoints par Stefano Roveda, spécialiste de l'interactivité. Depuis le Studio Azzurro a produit une série de nouveaux travaux basés sur leur concept-clé : "l'interactivité".
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En 1998, le Studio Azzurro a présenté au Japon quatre travaux interactifs au Niitsu Art Forum, puis à l'ICC Biennale 99. Très appréciés au Japon, leurs travux sont appréciés partout dans le monde.
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Voici (en anglais) la notice explicative de la performance :
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"Everything appears to be quiet: an azure atmosphere and entrancing music welcome the spectator. The monitors opposite one another are crossed by the repetitive laboured arm strokes of the swimmer as he move tirelessly from one screen to another. The installation (synchronised using twenty four monitors and thirteen video programmes) was made using twelve video cameras fixed along the edge of a swimming pool, at the water level, and twelve monitors for simultaneous recording of an actor, Aurelio Gravina, swimming for an hour. 
In addition to the monitors’ feed, making up a single practicable scene, each scene contains three different levels in relation to the others - the water close-up, where the movements are asynchronous and defy composition; then the trajectory of the action that allows the figure to be composed; and, finally, the background that is doubled to escape the contiguity of the optical cone".