17 novembre 2007

COUPS DE CŒUR N°20

Venise, Vivaldi et les sonates opus 1 
Antonio Vivaldi, Suonate da camera a tre, due violini 
e violone e cembalo (1705) 
Enrico Gatti et l'ensemble Aurora 
Livre et 2 CD
Glossa, Editiones Singulares, 2007. 

Alors là c'est la trouvaille du trimestre : un superbe ouvrage et un magnifique enregistrement de l'Opera Prima du prêtre roux, dans la très belle collection de la maison Glossa. Un objet d'art à tirage numéroté à un prix accessible (27,50 €) qui présente le premier travail édité connu de Vivaldi . Une centaine de pages consacrées à Venise à l'époque où des musicologues de renom (Michael Talbot, Adriano Olivieri, Alessandro Borin, Stefano Russomanno et Enrico Gatti lui-même, dans une langue claire et limpide (admirable traduction) présentent la musique, le monde de l'édition, l'art et la vie dans la Sérénissime à l'aube du XVIIIe siècle. L'enregistrement est sublime. Les instruments (d'époque ou répliques) sonnent parfaitement, montrant la virtuosité du compositeur encore jeune (il approche de la trentaine quand il compose ces sonates), mais aussi les faiblesses de certaines compositions. L'Ensemble Aurora est à mon avis un des meilleurs du monde baroque actuel et Enrico Gatti est un formidable virtuose tout en discrétion et en intelligence. On est déjà dans le monde unique de Vivaldi, tout en retrouvant de nombreuses parentés : Arcangelo Corelli pour l'inspiration, Jean Sébastien Bach pour le cousinage, pour ne citer qu'eux. Œuvre juvénile que son auteur sans la désavouer ne semble pas avoir beaucoup estimé puisqu'il en réutilisa très peu le matériau, mais cet opus 1 a vraiment un charme incroyable. Je souhaite vraiment que le Père Noël dépose ce bel objet dans vos petits souliers ! 

Le pain italien 
Adèle Orteschi & Alain Gelberger 
Collection 1 produit 100 recettes, 
Editions Minerva. 
Autant livre de cuisine qu'ouvrage d'art avec une belle présentation et une mise en page très agréable. L'auteur, Adèle Orteschi est d’origine vénitienne. Elle a déjà publié de nombreux ouvrages sur la cuisine italienne et le bassin méditerranéen, dont Les Pâtes du Terroir italien, chez Minerva. Dans cet ouvrage, elle prouve qu’à partir d’un produit aussi simple que le pain (italien), décliné en de nombreuses variétés régionales, il est possible de réaliser d’incroyables recettes, originales ou traditionnelles, et surtout délectables. Les recettes de pain sont ainsi expliquées et déclinées de différentes manières : focacce, bruschetta deviennent antipasti, crostini, et... tramezzini ou même de succulents desserts, mariés avec tous les trésors de l’Italie : mozzarella, ricotta, anchois, tomates, huile d’olive et plein d'autres produits. Tours de mains, astuces illustrées par de vraiment belles illustrations viennent enrichir cet ouvrage gorgé de soleil. 100 recettes familiales et exceptionnelles mises en images par Alain Gelberger, talentueux photographe culinaire. 

Caffé-Torrefazione Costa Rica 
Rio Terà an Leonardo 
Cannaregio 1337, 
Venise. 
041 71 04 71 
Saviez-vous qu'on peut trouver à Venise, un espresso extraordinairement bon pour 80 centimes (ce qui représente tout de même 5 de nos bons vieux francs et 1.000 Lires italiennes). Rien à voir avec les cafés servis en France à prix d'or ou l'addition corsée (un comble ici !) du Quadri ou du Florian... Il existe en effet un petit bar installé depuis 1930 dans le sestier de Cannaregio, la Torrefazione Costa Rica. C'est avant tout un torréfacteur, mais aussi un bar apprécié des habitants du quartier et des gens de passage. L'atmosphère est d'un autre temps, années 50 voire avant, dans un décor très simple et surréaliste à la fois. comme un tableau de Magritte. C'est je crois le seul endroit au monde où les sous-tasses sont installées à demeure sur le comptoir en attendant d'y recevoir votre tasse remplie d'un nectar onctueux et parfumé. L'accueil est chaleureux et extrêmement poli. Un lieu unique, moment de civilisation, où il est encore possible de déguster, le temps d'un café, la sensation unique que l'argent que l'on dépense et la courtoisie valent encore quelque chose. Un bonheur.

Pizzeria Kebab Le Piramidi 
6342 Castello, 
Salizzada Ss Giovanni e Paolo 
Venezia 
041 520 04 74 
Je n'ai pas l'habitude de recommander les pizzerie et autres kebab qui fleurissent aussi à Venise et procèdent davantage du Junk food à l'américaine que le mouvement SlowFood (et l'Académie Italienne de la cuisine dont j'ai l'honneur d'être membre). Cependant ce petit bar tenu par l'égyptien Anwar Taha Dldar, est sympathique. On y fabrique des pizzas sans prétention et il est facile de s'y restaurer à peu de frais. L'accueil est chaleureux et puis c'est la cantine préférée de mes amis du club sportif Arsenale G.Giaquinto dont l'équipe de basket a montré certaines années de réelles qualités parmi les amateurs italiens. La Palasport où ils s'entraînent (en salle) est cette salle de sport qui jouxte le musée naval à Castello. Vu leur appétit (et les carcasses qu'il faut alimenter !) et leur habitude de la bonne cuisine de la mamma, il n'y a pas de doute, dans la catégorie restauration sur le pouce, c'est une bonne adresse. 

Bar Clodia 
calle delle Rasse 
San Marco, Venise. 
Les meilleurs tramezzini du centro storico. le spritz est bon et le vin blanc aussi. Quand vous êtes dans les environs de la Piazza et sauf à vouloir vous offrir un déjeuner plantureux confortable et cher, évitez les restaurants traditionnels. Les plus renommés sont devenus hors de prix et toujours bondés, remplis par de gros américains sur le retour (mais ils restent toujours très bons - les restaurants pas les gros américains bien entendu !) et les autres sont de vrais pièges à gogo avec leur "menu turistico" où le seul fait de respirer l'air de la salle vous coûte déjà cher (pane e coperto). Le Clodia comme son voisin le Forst permettent de se restaurer à la vénitienne en dégustant un spritz ou un'ombra sans se ruiner et dans une atmosphère typique. Mais vous connaissez depuis longtemps la consigne pour ne pas être assimilé aux hordes (convenons donc de les appeler ainsi dorénavant) : allez là où vont les vénitiens et faites l'effort de vous exprimer en italien ou excusez vous de ne pas parler le dialecte. Consommez debout et payez à la fin... Au Clodia vous verrez beaucoup de gens du coin, des gondoliers, des vendeuses des magasins voisins, des employés de banque ou le maire lui-même toujours en pleine discussion avec un opposant ou un collaborateur. 

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7 commentaires : 

 Anonyme a dit… 
 Triste d'avoir annulé mon voyage de novembre, je vous lis avec bonheur. A vous lire, nous sommes voisins à Dorsoduro. Venise est mon jardin secret. M. 
19 novembre, 2007 

Lorenzo a dit… Comme l'amour maternel chanté par Victor Hugo, et en paraphrasant le poète : Venise est un jardin secret dont chacun à sa part et où tous l'ont en entier ! 
19 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 J'aime vous lire. 
 M. ou M.17 (moins anonyme). 
 23 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 Je suis Amoureuse de Venise. 
 M.17 
 23 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 Je vous lis depuis peu, cet été, mais quel immense bonheur. Sans doute, nous nous  sommes   déjà croisés ou nous nous croiserons à Dorsoduro. Je vous ai dis que Venise est  mon jardin  secret. 
M.17 
23 novembre, 2007 

 Lorenzo a dit… ah les mystères de Venise... 
 23 novembre, 2007 

Veneziamia a dit… 
 Je connais bien le Caffé-Torrefazione Costa Rica, j'y fait le plein de café quand je suis à Venise. Bravo d'en parler. 
 28 janvier, 2011 

TraMeZziniMag, pourquoi ce titre ?

Publié pour la première fois en mai 2005, de retour d'un énième voyage à Venise avec mes enfants, ce blog présentait en quelques lignes le pourquoi de son titre. Comme on continue de me demander ce qu'il signifie, et en dépit de l'évolution de son contenu, tout d'abord moins exclusivement vénitien qu'aujourd'hui, j'ai repris mes explications que je vous livre à nouveau.
..Ceux qui vont à Venise connaissent sans aucun doute ces sandwiches en forme de triangle, que l'on trouve dans tous les bars pour un peu plus d'un euro : tonno-uova, prosciutto-funghi... On les appelle des tramezzini. Les vénitiens les consomment debout au comptoir, avec un verre de blanc ou un prosecco, ce délicieux vin pétillant. Les meilleurs sont servis depuis des années dans un petit bar des environs de l'Arsenal, mais dans chaque quartier, il y en a de très bons. Ils sont un peu le symbole d'un art de vivre comme le spritz, le Bellini, ou le gianduiotto de chez Nico...(cf. TraMeZziniMag du 16/08/2005,  ICI).
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C'est parce que j'avais envie de parler de tout cela que j'ai créé ce blog et que j'ai choisi ce nom. Raconter à ceux qui ne savent pas, les délices d'une ville unique au monde, mal connue et pourtant si célèbre. Rappeler à ceux qui la connaissent, les délices que Venise apporte à nos cœurs. Mais aussi, parce que je voudrais aussi, modestement, contribuer à la mieux faire apprécier, au-delà des clichés qui l'encombrent depuis 150 ans et l'empêchent de vivre, en l'étouffant peu à peu. Car, c'est un paradoxe, Venise crève du tourisme. Il n'enrichit que les boutiquiers et les marchands de soupe et appauvrit les vrais vénitiens, rongeant l'âme de la ville comme la pollution en ronge les pierres. Là est le vrai mal qui tue Venise peu à peu, transformant les commerces de proximité en pièges à touristes, obligeant les habitants à quitter le centre historique pour la terre ferme et en rendant la vie presque aussi chère qu'à New-York ou à Londres. J'espère montrer une Venise différente au fil des pages et de mes humeurs. Aider le voyageur à sortir des sentiers battus - c'est bien ici le cas de le dire - et lui apprendre à voir autre chose et à devenir, à son tour, un "bon vénitien"pour paraphraser Henri de Régnier.
...
Peu à peu au fil des jours, des rencontres, des commentaires, s'est dessinée comme une ligne éditoriale. Modestement. Dans quelques heures, quelques jours, TraMeZziniMag atteindra son 55.000e lecteur ! 
 
A celui-là, s'il vient pour la première fois, je souhaite que ces quelques textes et les images qui les accompagnent, apportent du plaisir et lui donnent envie de se précipiter à Venise. Mais qu'importe les nombres et les statistiques : depuis plus de deux ans, ce rendez-vous quotidien m'est un vrai plaisir. Grâce à vous, lecteurs.
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S'il est parfois difficile de trouver l'inspiration, si les textes trop souvent manquent de rigueur et ne sont pas assez travaillés, les illustrations un peu trop courantes et les sujets peu originaux, mon bonheur vient de la satisfaction de mes lecteurs. N'y voyez aucune prétention. Écrire comme à beaucoup m'est un besoin. Vital. Savoir que, par la grâce de la technique (Ah ! cher Jacques Ellul mon maître !), je contribue un peu à la défense de Venise, justifie ces longues heures passées devant mon clavier. 
 
Mais n'est-ce pas déjà trop prétendre que de vouloir simplement écrire sur Venise, après tous ceux qui l'on fait avec tellement plus de talent que moi ? J'essaie simplement, jour après jour de laisser les mots exprimer mon amour pour la Sérénissime. J'espère n'être point trop bavard. En fait, je voudrais seulement pouvoir montrer montrer Venise telle qu'elle est : une symphonie de couleurs, de sons, de parfums, mais aussi un lieu où l'on vit comme partout ailleurs avec un supplément d'âme qui fait la différence. Entrouvrir une porte sur la magie de la ville et laisser l'alchimie de nos cœurs faire le reste. Sans commentaire ni fioriture.
 
Illustration : "remorqueur", huile de Zoran Music.