21 novembre 2008

Quand le froid arrive, viennent aussi des envies de cuisine

L'hiver à Venise peut-être rude. Qu'il s'agisse de ce brouillard tellement dense qu'on en perd son chemin et qui vous glace les os, de cette pluie fine comme en pleine mer accompagnée d'un vent glacé ou de la neige qui tombe parfois en abondance. Il est agréable ces jours-là, quand rien ne nous contraint à sortir, de se mettre aux fourneaux. La cuisine vénitienne dispose de toute une série de plats roboratifs, faciles à réaliser et drôlement bons à déguster. Laissez donc votre quotidien belge, canadien, suisse ou français et rejoignez-moi dans une cuisine de Venise.
 

Mon premier geste est de mettre de la musique. Avec internet, il est facile d'avoir à tout moment le programme que l'on désire. Pour ma part, je cuisine en compagnie de Otto's baroque radio, une radio américaine qui diffuse 24 heures sur 24 de la musique ancienne. Vivaldi et Bach y sont à l'honneur. Mise à part la minute de publicité réservée aux sponsors de la radio (je baisse toujours le son à ce moment-là, en mauvais consommateur que je suis). Mais si vous n'avez pas d'informatique sous la main, un bon disque fera l'affaire. Un éclairage chaleureux (bannissez ces horribles puits de lumière clinique balancée par les plafonniers et optez pour des points de lumières indirectes), une tasse de thé ou un verre de vin posés à côté de vous pour entretenir vos forces, et au travail. Produits frais du marché achetés le matin même au Rialto ou chez un des commerçants chez qui vous vous servez depuis toujours. Aujourd'hui dans le panier : ricotta et mascarpone, amandes et pignons, haricots blancs, persil, ail et oignons, coques de toutes sortes, bigoli (pâtes typiquement vénitiennes à la farine de sarrasin), pour réaliser la pasta fagioli, des bigoli cassopipa et des fritelle della nonna.

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Pasta Fagioli
Voilà un plat que vous connaissez tous certainement. J'en donne ici la recette la plus authentique que je viens de retrouver dans un très vieux carnet de cuisine de famille (daté de 1863 !). C'est un mets d'origine paysanne qui s'est diffusé au fur des années jusqu'à la table du doge. 
Il faut des haricots blancs frais, à Venise on choisit des fagioli di Lamon ou des borlottini (les meilleurs sont les "baete" de San Erasmo qu'on s'arrache au marché quand les mareyeurs en apportent). Sans haricots à peine glanés, on en utilise des secs mais pas de ces machins industriels. On en trouve de très bons dans les boutiques bio. Il faut les mettre à tremper une nuit dans de l'eau mêlée de bicarbonate de soude. 
Faire revenir deux gros oignons, une carotte, du céleri, une branche de romarin, du laurier dans de l'huile d'olive. Quand les ingrédients commencent à cuire, ajouter les haricots avec un os de jambon. Couvrir avec de l'eau. Ajouter du gros sel, et laisser bouillir environ quarante minutes. 

Quand le mélange est cuit, mettre de côté environ 1/3 des haricots et passer au chinois le reste. Ajouter les haricots mis de côté. Ajouter à la soupe obtenue une petite quantité de pâtes, de préférence des subiotini (sortes de petites tagliatelles) mais du vermicelle épais peut faire l'affaire et remettre à cuire.

Servir chaud après avoir ajouter un peu de poivre et de l'huile. 

Certains ajoutent du parmesan mais c'est une entorse à l'usage. Pourtant, il est vrai que c'est délicieux avec alors au diable les usages ! Pour ma part, j'ajoute à la fin un hachis d'ail et de persil.
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Bigoli in cassopipa
Bon là un peu de précision. Les coquillages c'est du sérieux. Chaque fois que je vais au marché en acheter je me pose la même question : avec la pollution des mers, est-ce que ces délicieux mollusques sont sains ou sont ils imprégnés de mercure, d'uranium et de pétrole ? Mais ne nous décourageons pas et c'est tellement bon ! 
Il vous faut 3 kilos de coques à votre discrétion (moules, bulots, palourdes, coques, etc...) ,
1 gros oignon, 4 gousses d'ail, 500 g de spaghetti Bigoli (à la farine de sarrasin) ou à défaut des spaghetti à la farine entière, de l'huile d'olive, du poivre et du bouillon de poisson ou à défaut un bouillon de légumes, quelques anchois.

Dans un faitout en fonte (cassopipa en dialecte vénitien), verser directement l'oignon haché, l'ail, l'huile et les coquillages que vous aurez trouvé sur le marché. Cuire à feu doux (les vénitiens disent "pipare") jusqu'à ce que les coquillages s'ouvrent. Enlever la chair des coquilles, ajouter de l'huile à discrétion, du poivre et un peu d'anchois salées en morceaux, jusqu'à l'obtention d'une sauce suffisamment parfumée que vous tiendrez bien au chaud jusqu'à la cuisson des pâtes. Quand celles-ci sont prêtes et égouttées, mélanger la sauce avec les coquillages, du persil et de l'ail cru hachés et un peu d'huile d'olive, si vous avez peur que cela soit sec. C'est succulent !
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Fritelle della nonna
Il vous faut 450g de ricotta, 150g mascarpone, 150 g de farine de riz et 100 g de pignons autant d'amandes effilées, de l'huile de friture.
 
Dans une grande jatte, mélanger doucement à la cuillère, la ricotta, la farine et le mascarpone. La pâte doit être consistante sans être sèche et ne pas coller aux doigts. 


Former des petites boulettes en introduisant au milieu des pignons et des amandes. Aplatir ensuite les boulettes de façon à obtenir des sortes de frites plates d'environ 2 cm de large sur 5 cm de long. 

Faire cuire dans un poêlon avec de l'huile chaude. Égoutter sur un linge ou un papier absorbant, sucrer. 

On peut aussi varier le goût en nappant les fritelle della nonna de miel qu'on aura pris soin de faire chauffer afin qu'il caramélise un peu et les enveloppe bien. Je les sers avec la crème à la vénitienne ou mieux avec un sabayon.
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Illustration : Marcela Brusegan
("Libro per Cuocho". Manuscrit anonyme vénitien du XIVe siècle).


1 commentaire:



Anonyme a dit…
Merci encore et toujours pour ces coups de coeur qui me donnent envie de filer chez mon disquaire et mon libraire. Bonne semaine à vous, Lorenzo!
Vichka