26 septembre 2010

Félix et Fortunat, les héros de Chioggia

La messe retransmise ce matin à la RAI était célébrée depuis il Duomo de Chioggia, la belle cathédrale construite par Longhena, et dédiée aux saint patrons de la cité lagunaire, Félix et Fortunat. Chioggia qui célèbre le 27 septembre, le 900e anniversaire du transfert des reliques, est toujours très fière de ses patrons, dont on ne sait finalement pas grand chose. L'occasion d'une petite visite à Chioggia... 

Felice et Fortunato sont toujours représentés comme deux soldats romains qui sont allés jusqu'au martyre pour défendre la foi chrétienne et n'ont jamais renoncé à leur engagement. Sur la lagune, la tradition en réalité, les présente comme deux jeunes frères originaires de Vicenza, venus dans la cité d'Aquilée pour faire du commerce. Aquilée à l'époque de Dioclétien, était une cité florissante, son port très fréquenté, était le principal lieu d'échange entre toute l'Italie septentrionale et le reste du monde méditerranéen. Ces jeunes marchands chrétiens auraient été découverts un jour dans un bois, à proximité de la ville. L'empereur inquiet des progrès de ce qui était encore considéré comme une secte d'illuminés, avait ordonné les persécutions que l'on connait, après des années de tolérance. Les deux jeunes gens furent jetés en prison et condamnés à mort par le préfet Eufemio, après avoir été torturés pour les forcer à abjurer leur foi. Après leur décapitation publique, leurs corps furent recueillis par des chrétiens. Les restes de l'un furent transférés à Vicenza pour l'un et à Aquilée pour l'autre. Très vite, on constata des miracles et la foi populaire en fit des modèles. Quand les barbares envahirent la côté adriatique, les reliques furent transportées à Malamocco, où l'évêque avait transporté son administration. A Valence, on revendique aussi Saint Félix et Saint Fortuné, certainement homonymes, qui auraient été martyrisés en 212 dans cette ville, l'un en tant que prêcheur et l'autre en tant que diacre.

Pour des raisons de sécurité, l'évêque Enrico Grancarolo transféra définitivement son siège à Chioggia. Avec l'autorisation du doge, il fit transférer en grandes pompes les reliques des deux saints en 1110. Elles sont conservées dans la cathédrale, magnifique bâtiment baroque, à l'aspect extérieur sévère, mais somptueuse à l'intérieur. Longhena aurait été averti que le Sénat de Venise n'apprécierait pas une façade trop somptueuses qui pourrait éclipser celle de la Salute que l'architecte édifiait pendant la même période. L'urne qui contient les reliques ne date que de 1905. Due à un artiste de Chioggia, Aristide Naccari, est exposée régulièrement à la ferveur des fidèles. 

Si la cathédrale est un monument de toute beauté, la cité elle-même, en dépit de l'enlaidissement dû à la présence de la circulation automobile, mérite une visite. Chioggia était la ville la plus importante de la Sérénissime après Venise. Elle aurait été fondée, selon la légende, par un des compagnons d'Enée qui survécurent à la chute de Troie, et qui lui donna son nom. Important port de pêche, c'est un lieu attachant, où se mêle la tradition vénitienne et les temps modernes.
On y peut circuler autant en bateaux qu'à pied, en vélo ou en voiture. Des canaux semblables à ceux de la Venise, bordés de palais et de maisons anciennes, avec des ponts de pierre et de marbre en tous points semblables à ceux de Venise ou de Murano, font oublier la circulation très italienne qu'on retrouve, hélas, dans les calle étroites. La place principale est ainsi à la fois un marché, un lieu de promenade et un parking à ciel ouvert. J'avoue que j'ai du mal quand je m'y promène : déboucher sur une petite place ombragée, avec de beaux bâtiments, bordée par un canal tranquille et que des voitures occupent le moindre espace... Le centre urbain moderne a beaucoup perdu en laissant l'automobile le pénétrer. A Chioggia, camionnettes, triporteurs, bus et vespas semblent livrer à chaque instant un combat aux voitures et aux vélos. Mais, le port comme les vieilles ruelles restent plein de charme.



Il y a beaucoup à voir à Chioggia. Le Ponte Vigo, tout d'abord, qui est le plus beau et le plus artistique des neuf ponts qui enjambent le canal Vena. Il a été construit en 1685 pour remplacer un pont de bois détruit en 1378, lors de la guerre de Chioggia. C'est l'équivalent pour la ville du pont du Rialto de Venise. Il marque l’entrée dans la lagune et conduit à la Piazza Vigo, où trône une colonne grecque, en marbre surmontée d’un chapiteau byzantin du XIIe siècle où se dresse le lion de San Marco. Bien que subordonnée à Venise, sa suzeraine, Chioggia a toujours était une cité autonome jusqu'à l'arrivée des français en 1797 et la fin de l'indépendance. 



Autre place, la Piazza del Popolo qui est le véritable centre de la cité. C'est là que se dresse la belle église Sant’Andrea, dont la façade baroque se marie bien avec un campanile vénéto-byzantin datant du XIIe siècle. On y trouve aussi le Grenier, construction comprenant un étage soutenu par 64 colonnes, qui fut à la fois hangar, magasin des douanes et bourse de commerce de la ville. La cathédrale Santa Maria Assunta, dont il était question plus haut, les églises de la Trinité (1528), San Francesco (1454), San Martino (1392), l’ancien Mont-de-piété construit en1485, la Porte Garibaldi, le Museo Civico. Non loin de là, se dresse la belle plage de sable fin de Sottomarina, qui s'étend sur plus de 10 kilomètres.



4 commentaires : 

Michelaise a dit… Trop marrante la coïncidence... je faisais hier un article sur Fortunat mais pour expliquer le mien (de Fortunant) je ne suis pas allée à Chioggia mais à Poitiers (une sorte de mélange entre nom et prénom pour Venace Fortunat !). En tout cas, je suis ravie d'en avoir appris un peu plus sur ce saint peu commun... 
26 septembre, 2010 

J F F chemincompostelle a dit… Merci beaucoup. Cet article m'a énormément intéressé, j'avais et j'ai encore un certaine fascination pour Chioggia sans y être jamais allé. Sans doute à cause d'une photo représentant des bateaux de pêche à voile... Grâce à vous j'en sais plus. Bonne journée, 
J F F 
27 septembre, 2010 

Anonyme a dit… C'est vrai, Chioggia a beaucoup changée, en seulement 10ans ; je me souviens de journées radieuses à flaner le long des quais en dégustant des tomates et des tramezzini achetés aux petits commerçants. Las, les vélomoteurs sont arrivés, pétaradant à n'en plus finir, puis les voitures. On peut toujours, heureusement, y déguster une délicieuse tasse de chocolat pour à peine plus d'un euro en face du marché aux poissons. Et puis, Chioggia, c'est le souvenir de Goldoni, et on y donne encore des représentations en plein air, comme en son temps. Et le dépaysement que procure le trajet pour s'y rendre depuis le Lido, est fabuleux. 
Gabriella 
27 septembre, 2010 

Lorenzo a dit… Vous avez tout à fait raison Gabriela. Pour ma part, l'excursion au départ de Venise quand j'ai la chance d'être avec des amis possédant une barque est un délice. Ce qui est intéressant en fait c'est de voir ce que Venise serait devenue si la circulation automobile y était possible. Cela conforte bien l'idée que la Sérénissime, même décatie et envahie de touristes, se situe "hors de la durée", il y a en elle quelque chose qui crée un effet d'éternité et ce quelque chose n'est-ce pas justement la pleine et authentique lisibilité du passé sans - mais pour combien de temps encore - qu'il s'agisse d'une lecture figée derrière les vitrines trop lisses d'un musée ? Chioggia permet de prendre conscience de cela me semble-t-il. 
27 septembre, 2010

24 septembre 2010

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 10) : Pelin Esmer

10 to 11
Film
de Pelin Esmer
Turquie (2009).

Je ne regarde pas souvent la télévision. Mais j'étais la nuit dernière en panne d'inspiration et mon fournisseur d'accès internet offre plusieurs dizaines de chaînes. Mon écran étant doté d'un tuner, j'ai tenté ma chance. Sur une chaîne dont je n'avais jamais entendu parler, j'ai découvert un film turc réalisé par une jeune femme, Pelin Esmer, qui m'a bouleversé, au point de me laisser éveillé jusqu'au générique de fin, vers 2 heures du matin... Un film d'auteur tout en finesse, intelligent, émouvant et d'où se dégage une impression de sérénité et de paix qui finalement devraient toujours aider l'homme à surmonter ses déboires et ses deuils. Mithat Bey est un vieux monsieur de 83 ans, retraité de la police, qui vit seul dans un appartement situé au 4e étage d'un immeuble des années 50 qui a tellement souffert des secousses sismiques qui s'emparent régulièrement d'Istanbul, que l'ensemble des copropriétaires s'est mis d'accord pour le démolir et reconstruire à la place un bâtiment moderne. Le vieux monsieur ne l'entend pas de cette oreille. C'est qu'il a élaboré tout au long de sa vie une "collection". Vieux journaux (depuis 1950, toujours achetés en double exemplaire), jouets d'enfants, bouteilles jamais ouvertes, montres, pendules et réveils, et mille autres objets s'entassent donc chez lui, qui constituent une sorte de musée hétéroclite. A la suite d'un dégât des eaux, le vieil homme est obligé de faire rentrer chez lui son voisin du dessus, instigateur du projet de démolition.
En pénétrant dans l'appartement, le voisin est abasourdi par ce qu'il ne considère que comme du fouillis. Pour aller jusqu'à la fuite, il faut se frayer un chemin entre des piles de livres et de journaux, des cartons remplis d'affaires. Comme le voisin, le spectateur se demande un instant si le très attachant Mithat Bey n'est pas une sorte de maniaque un peu obsessionnel. On le voit par exemple noter le nombre de jours qu'a mis un de ses nombreux réveils pour avancer de quelques minutes, ou bien on assiste au soin très précis qu'il met à découper et coller une étiquette sur un carton protégé par un plastique où sont déjà posés de nombreuses autres étiquettes... Mais non, Mithat Bey est seulement un passionné, amoureux des choses et très "réglo" avec elles. C'est un gardien. Il les maintient en vie et le portent hors du temps. Le personnage est émouvant, attendrissant mais jamais ridicule. Il va son chemin et s'achemine vers sa fin. Mais le sujet n'est pas là. Le concierge de l'immeuble, un jeune père de famille venu de la campagne, va aider le vieux monsieur à alléger son appartement, suite à la visite des services de l'hygiène qui prétendent que tout ce fatras pourrait faire s'écrouler les planchers. D'abord réticent, je jeune homme va faire pour le vieux monsieur, les courses que celui-ci ne peut plus faire, puisqu'il attend le retour de ces messieurs de l'hygiène. Peu à peu le concierge va découvrir avec ses traversées d'Istanbul, une indépendance nouvelle pour lui. Il va faire ce qu'on lui demande, mais s'achemine aussi vers une vie nouvelle. Il veut faire revenir sa femme et sa fille, parties parce que la loge était trop humide pour l'enfant... La question qui se pose tout au long du film, n'est pas la fuite du temps. C'est plutôt l'envie de sauvegarder "hier, aujourd'hui et demain", comme l'explique la réalisatrice. C'est une question de sauvegarde qui s'exprime aussi par l'excellent second rôle, Ali interprété par Nejat Esmer, le concierge, quand le neveu du vieillard pense plutôt au profit que tous pourraient retirer de la vente de la collection... Ali sera celui qui perpétuera "l'art" du collectionneur, même au prix de quelques forfanteries plutôt liées aux nécessités de la vie qu'à un désir de nuire, selon la réalisatrice. Mais ne racontons pas tout le film. 
Sachez juste qu'il a connu un joli succès en Turquie. Je ne sais pas s'il a été distribué en France, mais il le mériterait. Il a déjà été primé dans de nombreux pays, la réalisatrice commençant doucement mais sûrement à se faire un nom (Oyun un de ses précédents longs-métrages avait été très bien accueilli à Venise en 2008). Elle a récemment reçu le prix spécial du jury au Festival d'Istanbul. Elle a également été primée à San Sebastián, à Tromso (Norvège) et à Toronto, ou encore à Abou Dhabioù elle a reçu le prix du meilleur film du Moyen-Orient.
Quand je compare ce petit bijou, sans aucun effet de manche, sans parti pris d'esthétique, humble, efficace comme un documentaire, mais bourré de poésie et d'amour, à l'inutile Palme d'Or 2010, je me pose des questions sur l'état mental de Tim Burton et de son jury... Non, je rectifie, je n'ai jamais cru que Monsieur Burton était tout à fait normal dans sa tête, au vu de ses films que j'abhorre. Mais, chers lecteurs, une fois encore, il ne s'agit que d'une opinion personnelle. Que ceux qui auront pu voir 10 to 11 me fassent part de leurs impressions. Moi en tout cas, je vais suivre de très près le travail de la jeune et jolie Pelin Esmer.

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3 commentaires:

micha venaille a dit…

Et en plus de tous vos autres dons, vous parlez turc?

Micha Venaille a dit…

PS C'est moi qui vous ai dit le bien que je pensais de Oncle Bonmee l'autre jour, je ne voulais pas signer "anonyme". Mais je partage votre aversion pour Tim Burton - dont je me refuse à voir les films.Nous serons à Venise du 3 au 9 octobre, si nous vous croisons ( à la librairie française?) nous vous reconnaîtrons peut-être? Nous logeons sur la place de l'Arsenale au dessus du petit café et allons inaugurer la maison qu'une amie a restaurée, à Burano, Terranova, face à la lagune (bien qu'il y ait le chantier pour le tout- à- l'égoût juste sous ses fenêtres!). Si vous passez par là le 8 au soir...C'est aussi une vos " lectrices" Et à quand votre livre?

Lorenzo a dit…

Non du turc, je ne connais que quelques mots hélas. le film sur If Télévision était sous-titré en français. Cela étant, c'est vrai que cette langue est belle, moins gutturale que l'arabe. Mais c'était la langue des envahisseurs de Byzance, les ennemis de Venise. Ce fut la langue de l'administration où mon grand-père travaillait pour le compte de l'Italie jusqu'à l'arrivée d'Atta Türk qui bouta tous les européens de l'administration. Une histoire de famille donc...

03 septembre 2010

Gourmandise pour finir l'été en douceur : Succès d'Amalfi

Je ne sais pas pour vous, mais pour ma petite famille, les vacances 2010 ne laisseront pas le souvenir d'un été caniculaire où il ne faisait bon que faire la sieste à l'ombre de notre beau mûrier ou se baigner sans fin. Pour une journée estivale, nous avions deux voire trois jours de frimas. Après la plage et les ballades, c'était chaque jour, un bon feu dans la cheminée ! L'idéal pour bouquiner certes, mais aussi pour cuisiner. C'était donc l'une de nos grandes occupations de l'été. 

Voici une recette que j'avais depuis longtemps l'intention de réaliser. La refaire aujourd'hui, maintenant que la rentrée est passée, les livres scolaires recouverts et les cartables remplis, c'est donc un peu prolonger les vacances. L'arrière-saison s'annonce belle et chaude. Demain la plage. Prenons des forces avec ce :

Succès d'Amalfi.
Ce qu'il vous faut : 4 belles poires parfumées et mûres à point (j'ai utilisé de belles Doyennés du Comice, mais d'autres variétés sucrées et parfumées peuvent aussi faire l'affaire : Beurré Hardy, Conférences, Crassanes...), 100 grammes de noisettes pilées, le même poids de blanc d'oeufs et 150 grammes de sucre glace, 400 grammes de ricotta, 100 grammes de fromage blanc genre Philadelphia (ou à défaut de Saint-Moret), de la gélatine, une pincée de sel et un peu de cassonade, un citron, 1 gousse de vanille.
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La préparation :

Faire cuire les poires au sirop (eau + sucre + gousse de vanille coupée en deux dans le sens de la longueur + filet de citron) en ayant soin de couper les fruits en petits morceaux.

Battre les blancs en neige ferme en mettant dans le saladier une pincée de sel et une autre de sucre. Ajouter ensuite 50 grammes de sucre glace et les noisettes. Verser la pâte obtenue sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Faire cuire à 140°. La préparation doit brunir un peu mais ne pas trop sécher. sortir du four et laisser refroidir.


Pendant que la pâte refroidit, passer la ricotta au chinois (ou au tamis si vous en possédez un) et la verser dans un saladier, y ajouter 100 grammes de sucre glace et le fromage blanc. Faire fondre la gélatine, la mélanger à la préparation et ajouter en dernier les poires cuites au sirop. Bien mélanger.
Découper à l'emporte-pièce des ronds de pâte. Dresser sur chaque rond le mélange ricotta-poires et couvrir avec un autre rond. Laisser au frais (mais pas au froid)au moins 3 heures afin de laisser ramollir les ronds de pâte au contact de l'appareil, sans qu'ils deviennent trop mous. Saupoudrer de sucre glace et dresser sur un plat de service. Succès assuré. D'où le nom donné à ces petits gâteaux inspirés d'une recette almafitaine très réputée mais bien plus sucrée et riche que ma recette !
Un grand merci à Paola pour sa recette 
(légèrement modifiée ici !)