11 février 2017

Un jeune homme m'écrit


Le Jeune homme et le triptyque

Les heures passées devant l'ordinateur pour produire ces quelques textes qui partent ensuite vivre leur vie auprès de milliers de lecteurs inconnus font souvent l'objet chez leurs auteurs de grandes interrogations. Ai-je eu raison de publier cela ? Ne vais-je pas heurter quelqu'un ? Suis-je parvenu à transmettre mon idée ? En suis-je seulement capable ?... Autant de questions qui le plus souvent ne trouvent pas de réponse et forment finalement l'engrais ou le combustible nécessaires pour continuer. Parfois, un commentaire enthousiaste ou critique montre que l'on n'est pas seul, perdu au milieu de l'immensité du vide. Il y a quelqu'un quelque part, attentif et sensible à nos mots. Parfois aussi un courriel vient justifier soudain ces heures de solitude passées à peaufiner une phrase, à illustrer une conviction. C'est le cas de cette lettre virtuelle reçue il y a quelques jours. Peu ordinaire, elle m'a été adressée par un jeune homme, étudiant d'une classe préparatoire parisienne, qui ne dit pas son âge. Sa verve et l'éclat de ses mots me fait penser qu'il est très jeune. Je ne sais pas pourquoi mais sa missive dématérialisée s'est associée aussitôt à cette photo trouvée sur pinterest ou tumblr, je ne sais pus, d'une jeune garçon en train de contempler trois toiles de je ne sais plus quel peintre.

Lecture chez les dominicains de Venise
Mais me considérant bien vieux moi-même désormais, je suis certainement mauvais juge. En quelques lignes, il parvient à m'exprimer son enthousiasme pour le blog, pour son contenu, ses illustrations et me parle, d'abord à mots ouverts, puis ouvertement, de sa passion pour l'écriture et son pendant, la lecture. C'est son professeur de littérature qui lui aurait fait découvrir TraMezziniMag (que ce brave enseignant au très bon goût en soit remercié !). Il termine sa lettre par plusieurs questions. Qu'il me les pose m'honore, tant j'ai toujours la crainte de trop m'impliquer quand une jeune personne me demande aide ou avis, à une époque où la sollicitude d'un aîné pour un plus jeune qui n'est pas son enfant, semble vite quelque chose de suspect. 

On crie vite à l'emprise morale et psychique, attitude perverse qui mène droit à toutes sortes d'abus dangereux pour ces jeunes cervelles et ces cœurs tendres. Mon jeune lecteur a la tête sur les épaules et le recul nécessaire pour ne pas me sembler à la recherche d'un gourou. Jeune mais libre et posé. Mais revenons à la question qui m'a paru la plus importante. Il ne m'en voudra pas de la rendre publique comme je rends publique ma réponse. Pas plus que le renvoi fait à cette citation de l'auteur polonais, Gombrowitcz cité dans TraMeZziniMag il y a quelques années (voir ICI) et qui contient en quelques lignes l'essence même de la position la meilleure pour l'écrivain en herbe. La question qui semble tenir à cœur au jeune Grégoire - le prénom non plus n'est pas ordinaire -  porte sur le désir d'écrire et le travail d'écriture, vous l'aurez deviné : "Que faut-il considérer avant tout quand on veut faire de l'écriture son métier et comment savoir si nous en sommes capables ? " 

Spontanément j"ai envie de répondre qu'il s'agit avant tout de demeurer clairvoyant, insoumis, insolent et audacieux. Cela ne veut pas dire qu'il faut à tout prix et systématiquement cultiver la provocation et chercher à choquer. Il faut seulement être soi-même dans chacun des mots qu'on emploie, être déterminé dans la volonté d'affirmer ce que l'on croit et d'essayer de le définir, de le comprendre afin de pouvoir mieux l'expliquer. C'est cet état d'âme que celui qui veut écrire doit entretenir quand il est face à sa feuille - à son clavier; quand peu à peu les mots s'alignent dans sa tête, avant que de venir s'ordonner d'eux-même en phrases et en paragraphes. Ensuite, vient le vrai travail de leur inventeur : relire, refaçonner, remodeler... Quand le texte est prêt à être lu, on le sait. on le sent. C'est comme une petite musique qui résonne harmonieusement en nous.

Grégoire me demande aussi de lui recommander des lectures avant d'aller découvrir Venise pendant les vacances que ce jeune homme bien né et à l'âme bien trempée qualifient de Pâques, terme passé de mode et qui vous fait aussitôt suspecter si vous l'employez, d'être un suppôt, fascisant, passéiste et ombrageux, de la Manif pour Tous.. J'ai aussitôt pensé, outre l'excellent Venise de la collection Bouquins qui réunit un joli panaché d'opinions et d'idées sur la Sérénissime, à l'ouvrage du croate Matvejevic, L'Autre Venise, au Petit Guide sentimental de Venise écrit par Paolo Barbaro. Puisqu'il est en prépa, pourquoi pas lire aussi l'excellent et très précieux ouvrage de Sophie Basch, Paris-Venise 1887-1932 sur la "folie vénitienne" dans le roman français de Paul Bourget à Maurice Dekobra, paru chez Champion en 2000 que j'ai découvert grâce à Dominique Pinci de la regrettée librairie française de Venise. Bien entendu, il lui faudra lire Portrait historique d'une cité de Philippe Braunstein, Le Carnet vénitien de Liliana Magrini et Henri de Régnier aussi... Enfin, j'ai ajouté dans ma liste Les Ciels de Tiepolo d'Alain Buisine et les Lettres de Venise du baron Corvo...

Je me réjouis en tout cas qu'il existe encore des jeunes gens enthousiastes et poètes, qui ne laissent pas leur sensibilité s'étioler avec des passions vulgaires, qui ont le sens de la beauté et demeurent passionnés dans un monde revenu de tout, n'ont pas envie de fabriquer des explosifs pour se faire sauter en tuant des centaines de victimes innocentes au nom d'un dieu qui, si il existe, a depuis longtemps détourné son regard magnanime devant toutes ces horreurs commises en son nom.

Giuliana Camerino, une grande vénitienne

Giuliana di Camerino au volant de son riva devant l'entrée d'eau de sa résidence
Morte à 90 ans, cette grande dame a marqué le monde de la mode avec sa signature. Roberta di Camerino, avec ses créations qui furent un temps aussi disputée que celles de Vuitton ou Hermès. Le label continue de prospérer, toujours apprécié par les stars et les têtes couronnées. Cette photo retrouvée au hasard de mes rangements. Pour en savoir plus sur cette redoutable femme d'affaires, au caractère volcanique et déterminé, lisez mon billet retrouvé, paru le 13/11/2005 dans Tramezzinimag I, en cliquant ici