28 mai 2011

Weltanshauung



Connaissez-vous Oomph, ce groupe de metal ? Une musique bruyante exprimant le mal-être d'une certaine frange de la jeunesse d'aujourd'hui... En 2006, un jeune lecteur visiblement agacé par mes propos publiait un commentaire acerbe, me conseillant d'aller au diable avec ma conception de la vie et des choses. Se proclamant lui même niemand (personne), comme dans un air de ce groupe de rock, il se préoccupait de mon équilibre mental et croyait voir poindre à travers mes propos l'ennui qui pousse parfois à écrire des choses sans autre intérêt que panser des plaies ou canaliser une hémorragique mélancolie.

Cet aimable personnage au pseudonyme transparent et vaguement philosophique, n'avait donc rien compris et en relisant ses propos, j'ai compris que son humeur, toute cette acrimonie n'était que la projection d'un dégoût pour les choses bonnes, tranquilles, positives, qui rendent nos vies agréable et bonnes à vivre plutôt que simplement tolérables. Un romantique en mal de d'existence pour qui Venise et la vie qu'étudiant j'y vivais apparaissait trop solaire, lui préférant les affres d'un enfer présumé où tout est noir et mortifère.

Tramezzinimag procède d'un paradigme qui est sous-tendu par une conception paisible et positive des choses et de la vie. je le revendique et ceux qui connaissent bien Venise comprendront aussitôt là où je veux en venir : notre vie est courte, le monde est grand et les choses à voir et à découvrir sont légions. Comme les trilles joyeuses des concerti de Vivaldi, mon âme se faufile joyeuse dans tous ces bonheurs qu'il m'est donné de vivre. Cela me fait penser à une anecdote sur le peintre Pierre Bonnard rapportée par son neveu Antoine Terrasse : "C'est bien ainsi que Bonnard aura vécu. Dans le silence et dans l'étonnement. En contamplation et en observation perpétuelles"...  La petite musique de l'existence n'est pas violente ni douloureuse. Elle est faite des trilles du rossignol et des silences d'un midi de plein été. Qu'importe que notre vie ne soit qu'un passage fugitif dans l'immensité éternelle de l'univers, nous pouvons la remplir de mille joies et de pleins de petits bonheurs.

Même lorsque mes humeurs s'assombrissent, je ne serai décidément jamais un adepte du bruit et de la laideur. Se promener une journée dans les rues de Venise le rappelle, la beauté, le silence, la lumière, tout confirme que ce qui est beau est grand et paisible. Le bruit, la fureur, la violence tout cela ne sied pas à Venise. Le résumé de mon weltanshauung n'en déplaise à certains ! Et Tramezzinimag fait de cette penssée de C.G.Jung la morale qui préside à ces pages :
"Avoir une conception du monde (Weltanschauung), c'est se former une image du monde et de soi-même, savoir ce qu'est le monde, savoir ce que l'on est"


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5 commentaires:

Anonyme a dit…
les imbéciles et les aigris sont légion. Ne les écoutez pas Lorenzo. Pour ma part, j'adhère totalement et volontiers à votre paradigme !
Serge
douille a dit…
"Le bruit, la fureur, la violence tout cela ne sied pas à Venise." J'approuve cela...
Mais quand-même ce n'est pas "bon signe" pour une ville...
Lise a dit…
Il n'a juste rien compris ! La jeunesse d'aujourd'hui vous savez ! Continuez à écrire Lorenzo, pour moi c'est chaque jour un délice de vous lire et j'écoute en ce moment même du Vivaldi avec mon chat sur les genoux !!...
Lise
Lorenzo a dit…
Voilà un chat bien heureux !
liliforcole a dit…
Vous le dîtes : notre vie est courte, le monde est grand et les choses à voir et à découvrir sont légions.
Hors Venise, Le Tintoret et Vivaldi, point de salut pour l'âme ?
A mon humble avis, on peut aimer successivement, voire tout à la fois, la musique de Nina Hagen, d'Owen Pallet, de Rokia Traore ou de Vivaldi (4 saisons, version Europa Galante !), bien que musicalement tout ça n'ait pas grand chose en commun.
(Evitez les apéros spritz du Guggenheim, vous risquez la crise cardiaque...). 
 02 juin, 2011

24 mai 2011

La framboise en cuisine

Avec le temps qu'il fait, ils arrivent tous les fruits que nous aimons. Cerises, fraises des bois et Gariguettes, même les abricots apparaissent sur le marché. Et aussi ma préférée, la framboise. On vient de m'en amener d'une campagne voisine. Gorgées de soleil, elles embaument dans leur panier de bois. Un délice qui rendrait joyeux un condamné à mort ! 
Plutôt que les dévorer gloutonnement, essayons de les utiliser comme desserts pour fêter dignement ce joli mois de mai qui s'éloigne : Sabayon à la framboise et Bavarois à la Ugo (du nom d'un des trois fils de Guido Alciati, fondateur du célèbre restaurant piémontais Da Guido, à Costigliole d'Asti, au milieu des vignobles). Niveau Alain Ducasse. Ce jeune chef formé comme ses frères par un père génial qui a su mêler les canons de la cuisine piémontaise avec la tradition gastronomique française, préside aujourd'hui avec son frère Piero à un autre Guido, situé à Pollenzo, non loin d'Alba et d'Asti. Trois fourchettes et une étoile au Michelin. Un régal à ne pas louper si vous passez dans les Langhe, cette belle région montagneuse. 

Le sabayon à la framboise 
Pour 4, prévoir 200 g de framboises, 4 jaunes d’œuf, 150 gr de sucre glace, du Marsala ou un vin doux, des feuilles de menthe fraîche.  
Faites blanchir dans un saladier les jaunes avec le sucre jusqu'à obtenir un mélange mousseux. Ajouter rapidement le vin (environ deux cuillères à soupe). 
Faire cuire au bain-marie en fouettant la préparation. Quand la crème est bien onctueuse, ajouter les framboises et servir dans des petites coupes. 
J'ajoute (en réduisant un peu le sucre de la préparation) au moment de servir une sauce au caramel qui vient de mon arrière-grand-mère et qu'on retrouve un peu différente dans le livre des recettes de Casanova : Prendre 200 grammes de cassonade, une cuillère à soupe de grappa, le zeste d'une orange.
Faire fondre le sucre à petit feu et faire bouillir le zeste d'orange pendant 5 bonnes minutes. Réserver l'eau de cuisson et égoutter les zestes puis les réduire en julienne. Mouiller le caramel avec l'eau de cuisson, ajouter le zeste haché et bien mélanger. Ajouter la grappa. Arroser le sabayon de la sauce obtenue et servir avec des sablés.

Bavaroise à la Ugo 
Il faut 250 grammes de sucre, 1 kilo de framboises, 1 litre de crème chantilly ou de la crème épaisse, des feuilles de gélatine, un gâteau de Savoie ou pan di Spagna, grappa ou liqueur.  
Couper le gâteau en tranches, les humidifier avec l'alcool. Les laisser dans un sac en plastique ou dans une boite hermétique. Pendant ce temps mixer les framboises avec le sucre. Faire fondre la gélatine, mélanger aux framboises et faire prendre sur le feu sans cesser de remuer. 
Laisser refroidir, puis mélanger délicatement la crème chantilly (on peut faire monter de la crème épaisse avec un sachet de sucre vanillé), puis disposer la préparation obtenue dans les assiettes entre des tranches de gâteau. 
On peut aussi remplir un moule à cake de la préparation en alternant avec le gâteau. laisser prendre au frais puis servir en tranche avec un coulis de framboises et des framboises fraîches pour la décoration. 
Terminer par des feuilles de menthe pour la décoration. 

6 commentaires:


Carole a dit…
Coucou Lorenzo, j'ai essayée moi-même la recette du sabayon à la framboise ! Je peux dire que c'était un pur délice (huuuum !) alors que d'habitude la cuisine n'est pas vraiment mon fort !
Continuez vos recettes et votre charmant blog, une nouvelle fan est arrivée ! Merci lorenzo pour tout !
Anonyme a dit…
Auriez-vous des recettes à donner avec de la myrtille ?
Alléchantes recettes .
Lorenzo a dit…
Le sabayon peut être délicieux avec des myrtilles. Mais il faut s'assurer qu'elles soient sucrées donc assez mûres. En pâtisserie, quand nous en utilisons, nous les faisons tremper dans une préparation de miel fondu juste tiède (délayer 4 à 5 cuillères à soupe de miel dans de l'eau et faire chauffer jusqu'à obtention d'une sauce dans laquelle, après qu'elle soit un peu refroidie, on fait tremper les fruits).On peut y ajouter une goutte de cognac ou autre alcool.
Lorenzo a dit…
Les fruits ne doivent pas cuire ni se ramollir aussi la sauce doit être à peine tiède voire froide.
Catherine a dit…
Merci Lorenzo, pour la recette d'Ugo, que j'ai l'intention de faire dimanche, mais une question me taraude : faut-il vraiment 1 litre de Chantilly?
Pin Up En Cuisine a dit…
CiaOoO Lorenzo, le zabaione nature sur un pandoro ou dans les fritelles sont excellent aussi ^+!!!! (Les fritelles de Tonolo sont terriiibles !) Merçi pour toutes ces délicieuses recettes. Nikky

22 mai 2011

Etre en mai à Venise


Joli mois de mai. Alors qu'il pleut sur New York et que le ciel du Sud-Ouest est mitigé avec parfois de gros orages comme autrefois on en subissait en plein été, Venise est inondée de soleil et l'air comme la lumière sont très purs. la douceur du mois de mai sur la lagune n'est pas une légende. Mais que fait-on ce mois-ci dans la Sérénissime ? Que faut-il ne pas louper ?
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Comme Tramezinimag l'a déjà annoncé, tous les lundis de mai, on lève son verre à l'Art avec le Happy Spritz en musique (live). Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte, la visite des jardins et des collections un verre à la main est un bonheur. Regarder passer les bateaux depuis les terrasses, bavarder dans le jardin, un délice de happy fews qui font des émules car il y a désormais foule à chaque rendez-vous ! Si vous avez des enfants avec vous, en dehors du Spritz et des conversations sur l'art dans toutes les langues, ils aimeront l'atmosphère magique des lieux.
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Mais pour les amateurs d'art, les experts et les passionnés, il y a aussi ce mois-ci l'extraordinaire spectacle de l'Esther de Véronese enfin restaurée qui s'expose en majesté au Palazzo Grimani. Occasion unique pour voir ces chefs-d’œuvre de près avant leur restitution aux plafonds de la Chiesa di San Sebastiano ! Qui dit que rien plus jamais ne se passe à Venise en dehors des méga-évènements mondialement médiatisés de la Biennale, des expositions Pinault et de la Mostra del Cinema
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Tenez, pendant quelques jours, du 13 au 15 mai, se déroulait à l'Arsenal la IVe édition de Mare Maggio, organisée par Lorenzo Pollicardo, sous l'égide de Expo Venice. Trois journées dédiées à l'art de naviguer avec des régates, des promenades sur un bragozzo authentique, des expositions d'embarcations historiques comme le sous-marin Dandolo et la machine de Marconi. A la fin de la manifestation, des stands proposaient à la vente des objets et ustensiles pour la navigation mais aussi pour les collectionneurs. 

Gourmandises d'un dimanche tranquille : La Crème vénitienne

Un dimanche comme les autres. Le soleil qui est revenu fait danser les grains de poussière dans l'embrasure des fenêtres du salon, le délicieux parfum des tilleuls en fleur se répand dans toute la maison. Les chats somnolent. Peu de bruit dans la rue. La voix éraillée de Billie Holiday chante "I am painting the town red". Constance, allongée sur la canapé rouge, est plongée dans une vieille bande dessinée des années 50, son thé à la main. Alix doit être quelque part à la plage avec ses amis et Jean révise ses cours de philosophie. Atmosphère comme je les aime. Une journée banale. Paisible. Pour changer des sempiternels scones et des galettes irlandaises, nous avons fait une crème vénitienne. Un peu long mais le résultat vaut le mal que nous nous sommes donnés sous le regard attentif et très intéressé de nos deux chats gourmands. Un peu long mais le résultat vaut le mal que nous nous sommes donnés sous le regard attentif et très intéressé de nos deux chats gourmands.
Pour réaliser cette crème, il faut : 1 litre de bon lait, 10 grammes de cassonade, une belle gousse de vanille et 6 œufs.
Délayer le sucre dans une casserole à fond épais avec le lait et mettre à bouillir avec la gousse de vanille fendue dans le sens de la longueur. Pendant ce temps séparer le jaune des blancs. Dans une assez grande car elle contiendra toute la crème, battre les jaunes en crème. Puis dans une autre jatte, battre les blancs en neige ferme en y ajoutant une pincée de sel et un peu de sucre.
Quand le lait bout, l'ajouter peu à peu aux jaunes (jusque là, il s'agit tout simplement de réaliser une crème anglaise) en remuant pour éviter que la crème ne tourne. Quand tout le lait est dans la terrine, reverser la préparation dans la casserole et faire épaissir en remuant sans arrêt. Je remue comme on manie la rame : en faisant des huit plutôt qu'en tournant en rond dans la casserole !

Quand la crème vous parait assez épaissie, la sortir du feu. Ajouter les blancs en neige en mélangeant bien le tout. Servir tiède avec un biscuit de Savoie ou froid avec des sablés. A Venise, certains la mettent dans des petits pots et la font caraméliser au four. Un régal pour savourer un dimanche tranquille.


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1 commentaire(s):
Michelaise a dit…
Une recette légère qui doit fondre en bouche... comme fond dans le cœur l'ambiance douce de ce dimanche ensoleillé.

10 mai 2011

François Mitterrand le vénitien, par Jean d'Ormesson

Le jour de la passation des pouvoirs entre le président Mitterrand et Jacques Chirac, et en dépit d'un emploi du temps chargé, Jean d'Ormesson fut invité, tôt le matin, par le président sortant. Pendant deux heures les deux hommes bavardèrent. Quelques mois plus tard, après la mort du président, l'académicien, qui partageait avec lui le même amour pour la littérature et pour Venise, a écrit pour l'Express un article où il décrit l'amoureux de Venise. Tramezzinimag avait cité naguère l'entretien d'Ida Barbarigo avec Mazarine Pingeot expliquant cette relation intime du chef de l’État avec la Sérénissime (lien en cliquant ICI).

«L'épithète homérique et italienne accolée le plus souvent - depuis François Mauriac - au nom de François Mitterrand est celle de «florentin». Il y a, dans l'opération, une connotation péjorative, et presque une intention de nuire: on voit des dagues, du poison, des conspirations en pagaille et de la trahison dans l'air. Rappelons, pour tenter de garder un peu d'objectivité et serrer en même temps la réalité de plus près, qu'il y a une autre ville d'art en Italie à laquelle Mitterrand n'a jamais cessé de témoigner son admiration et son attachement. Ce n'est pas Florence; c'est Venise. 
 
François Mitterrand se rendait régulièrement à Venise. On le voit, sur des photos, accompagné de quelques amis, à bord d'un «motoscafo» ou en train de se promener sur la Riva degli Schiavoni ou sur les Zattere. Des rumeurs ont longtemps assuré que le président avait acheté une maison à Venise. On allait jusqu'à la montrer aux passants, ébaubis. Je ne sais pas du tout, pour ma part, ce qu'il y a de vrai dans ces bruits. On raconte que, lassée sans doute par les rumeurs, la propriétaire actuelle de cette maison aurait fait imprimer une carte de vœux de Noël. Avec trois volets: sur le premier, Mitterrand contemple la maison; sur le deuxième, Mitterrand et la propriétaire sont ensemble devant la maison; sur le troisième, Mitterrand s'éloigne et la propriétaire rentre seule chez elle. 

Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il a longtemps habité, entre le campiello San Vio et le pont de l'Accademia, un palais du XVIIe siècle qui donne à la fois sur un jardin et sur le Grand Canal: le palais Balbi-Valier. Et que plusieurs trattorias ont eu l'honneur de recevoir à déjeuner ou à dîner le premier des Français. J'ai souvent pris des repas dans une trattoria de la Giudecca qui s'appelle Altanella et dont la terrasse s'ouvre sur un de ces canaux qui débouchent à deux pas de la belle église du Redentore, édifiée par Palladio, en 1577-1580, juste après San Giorgio Maggiore, juste avant le théâtre olympique de Vicence: François Mitterrand était un habitué de cet endroit très simple, très calme et très délicieux. 

Pour Noël 1994, dans la plus grande discrétion, entouré d'êtres qu'il aimait - et aussi de trois gardes du corps qui l'aidaient parfois à franchir quelques marches ou à enjamber un obstacle - le président est revenu une fois encore à Venise. La presse a évoqué une retraite tenue secrète. C'était à la Sérénissime qu'il avait tenu à rendre une dernière visite. Hanté par la mort, tenté par un mysticisme qui perçait jusqu'à travers ses discours officiels, il a retrouvé la ville du plaisir et du déclin. 

Il s'était installé, une fois de plus, dans ce palais qui jouxte San Vio, entre le pont de l'Accademia et la pointe de la Salute et de la Douane de mer. De temps à autre, il poussait jusqu'aux Zattere et prenait un repas au restaurant Riviera, en face de la Giudecca, un des meilleurs de Venise. Mais, moins disposé à de longues marches, il s'installait surtout plus près, à deux pas de San Vio, à côté de la boutique d'un encadreur, le long d'un canal qui mène jusqu'aux Zattere, dans une trattoria populaire et très simple, le Cantinone storico. 

On voit bien ce qui pouvait attirer François Mitterrand à Venise. Il aimait la beauté, la littérature, les femmes. Plus que Rome, reine majestueuse et altière, plus encore que Florence, princesse écrasée sous les ors et la prospérité, Venise est une ville-femme. On pourrait dire: une ville-femme-femme. Le Grand Canal est son écharpe. Les ponts sans nombre sont ses bracelets. Et les églises, les palais, les puits sur les petites places, les maisons ocre ou rouges sont les bijoux dont elle se pare. 

Aucune ville au monde n'est plus littéraire que Venise. Pour un admirateur du romantisme, de Chateaubriand, qui mêle Venise à ses amours passionnées pour Nathalie de Noailles et pour Juliette Récamier, dont il écrit le nom sur le sable du Lido, de Musset, 

Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge,
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot...
Mais qui, dans l'Italie,
N'a son grain de folie ?
Qui ne garde aux amours
Ses plus beaux jours ?...
Comptons plutôt, ma belle,
Sur ta bouche rebelle
Tant de baisers donnés
- ou pardonnés!
Comptons, comptons tes charmes,
Comptons les douces larmes
Qu'à nos yeux a coûtées
La volupté ! 
 
et de Barrès: « Avec ses palais d'Orient, ses vastes décors lumineux, ses ruelles, ses places, ses traghets qui surprennent, avec ses poteaux d'amarre, ses dômes, ses mâts tendus vers les cieux, avec ses navires aux quais, Venise chante à l'Adriatique, qui la baigne d'un flot débile, son éternel opéra », Venise est incomparable. 

Grand amateur d'histoire, connaisseur averti de la littérature, François Mitterrand, quand il passait de la statue de Goldoni, au pied du Rialto, à la statue du Colleoni, devant San Giovanni e San Paolo, ou de la Madonna dell'Orto et de la maison du Tintoret à l'Arsenal, gardé par ses quatre lions de pierre, pouvait s'imaginer qu'il n'était plus entouré de Jack Lang, de Michel Charasse ni de Patrice Pelat, mais de Casanova, de Byron, de Thomas Mann et de Visconti. J'imagine assez bien Mitterrand en train de rêver devant la plaque de marbre apposée sur le beau palais Dario (dont on raconte qu'il porte malheur, mais Woody Allen envisage de l'habiter) pour célébrer la mémoire d'Henri de Régnier, qui y vécut et y écrivit à la vénitienne: « In questa casa antica dei Dario visse et scrisse venezianamente Henri de Régnier, poeta di Francia. » 

J'imagine surtout - je n'imagine pas, je le sais - que le président se promenait longuement et de jour et de nuit le long des canaux de Venise. Venise est une ville qui entraîne. Mitterrand se laisse entraîner. Florence est une ville immobile. On s'arrête longuement devant les portes du baptistère ciselées dans le bronze par Ghiberti ou devant Or San Michele ou devant la « Bataille de San Romano », où Uccello a peint quelques-unes des plus belles croupes de cheval de l'histoire de la peinture. 

A Venise, chacun court le long du Grand Canal. On se précipite du Ghetto Vecchio à l'isola di San Pietro et des Gesuiti aux Gesuati. Ce n'est pas François Mitterrand qui aurait confondu, comme tant d'autres, les Gesuati, sur les Zattere, avec les incroyables draperies en marbre vert et blanc de l'église baroque des Gesuiti. 

Il ne rêvait pas seulement à toutes ces splendeurs de l'art entassées à Venise. Venise est une leçon de beauté. C'est aussi une leçon de politique. De la grandeur, des triomphes, des échecs, et de la cruauté. Quels talents, quelle énergie, quelle patience avaient dû déployer ces gens venus se réfugier dans des marais hostiles - et sur des bords un peu plus élevés, dits Riva alta, d'où Rialto - avant de régner sans partage, plutôt par l'intelligence que par la force brutale, sur une bonne partie de la Méditerranée! Tous les matins, surtout vers la fin, n'étaient pas triomphants: Bragadin, le défenseur héroïque et malheureux de Famagouste, avait été écorché vif par les Turcs, qui avaient promené par la ville sa peau bourrée de paille. Et Othello, et Casanova, et Marco Polo, et l'autre président, le bon vieux président de Brosses, qui détestait Saint-Marc! Seul le pavement de mosaïque trouvait grâce à ses yeux: il était si bien jointé qu'on pouvait y jouer à la toupie. Venise est une machine à susciter des rêves de beauté, de pouvoir et de mort. 

Je suis prêt à parier que ce qui amusait Mitterrand et l'attristait en même temps - mais à quoi bon lutter contre une histoire qu'il vaut mieux accompagner qu'essayer en vain de contrer? - ce qui l'intéressait, en tout cas, c'est qu'il savait l'année, le mois, le jour où le déclin de Venise était devenu inéluctable: le 12 octobre 1492, Christophe Colomb découvrait l'Amérique. Lentement, mais fermement, l'océan Atlantique poussait la Méditerranée hors de la scène de l'Histoire. Le monde basculait. Ce n'était pas la première fois. Ce ne serait pas la dernière. Le tour viendrait du Pacifique. L'Histoire ne reste jamais immobile. 

J'aurais aimé me promener à Venise avec François Mitterrand. Nous aurions parlé de cette république aristocratique, de cette démocratie élitiste, si pleine de contradictions, qui a inventé l'impôt sur le revenu, qui a élevé le masque à la hauteur d'une institution, où les lions ont des ailes et où les pigeons marchent à pied. Nous aurions évoqué tant de beauté, tant de crimes, tant de pouvoir, tant de génie. Nous aurions parlé de la politique, de l'argent, de «La Tempête», de Giorgione, et du petit chien blanc aux pieds de saint Augustin dans le tableau de Carpaccio à San Giorgio degli Schiavoni. Je lui aurais posé des questions. Sur Venise. Sur la vie, qui lui avait tant donné. Sur les arbres, qu'il aimait tant et qui font défaut à Venise. Sur la mort, qui ne fait défaut à personne. Et sur Dieu, dont les peintres de Venise se sont tant occupés. Mais, quoi ! je ne me suis jamais promené avec Mitterrand à Paris, où nous habitions tous les deux. Pourquoi diable lui serait-il venu à l'esprit de se promener avec moi à Venise ?»

Jean d'Ormesson
© L'Express - 1996

09 mai 2011

COUPS DE COEUR (HORS SERIE 5) : Andrew May, le regard sensible d'un photographe britannique



Mon dernier billet était illustré d'une photo du rio terà secondo, où se trouve la demeure du célèbre éditeur vénitien, Alde Manuce, sans mention de date ni d'auteur. La qualité du cliché méritait d'y revenir et le respect des droits d'auteur s'imposant, il était normal que je signale le travail de cet excellent photographe britannique, Andrew May qui m'autorise à publier un de ses clichés.

"Sunset over the Lido, Looking across
towards the Lido from St Mark's"

by Andrew May © - 2008

COUPS DE COEUR (HORS SERIE 4) Connaissez-vous les Editions Serge Safran ?

Petit chronique littéraire improvisée pour un dimanche ensoleillé...


Moi qui peine depuis plus d'un an sur la parution d'un modeste opus réclamé à corps et à cris par les lecteurs de Tramezzinimag, je suis ébahi par l'arrivée d'un nouvel éditeur. Bordelais monté à Paris, l'homme n'est pas le premier venu. Après le Castor Astral, il devient le directeur littéraire des Éditions Zulma, dont il est un des fondateurs. Il vient de publier un texte superbe, "Le voyage du poète à Paris", en lice pour le Prix Renaudot 2011
 
Mais il trouve aussi le moyen de lancer une nouvelle maison d'édition à son nom, et devinez quel est le sujet du premier titre de la maison ? Venise évidemment avec un recueil de nouvelles de Dominique Paravel qui se lit d'un trait, comme un envoûtement. L'auteur a plongé sa plume dans l'eau saumâtre des canaux et nous conte au fil des pages une Venise pleine de violence et d'angoisse. Mais jamais rien de mortifère si ce n'est l'indubitable vérité, celle qui nous ramène à notre état fragile et éphémère. Les femmes et les hommes de ce livre se frottent à une réalité qui les écrase et les fait vivre à la fois. Venise est l'héroïne de ces pages, le fil conducteur qui permet de lire chacun des textes comme on lit un roman chapitre après chapitre. Et on se régale de cette langue âpre, directe et sans masque. Bienvenue aux Editions Serge Safran.
 
Curieux hasard, mais le hasard existe-t-il vraiment, qui fait jaillir, pratiquement en même temps que le roman de Safran et les nouvelles de la Dame Paravel, le flamboyant  « Ce qu'aimer veut dire» de Mathieu Lindon - certainement le plus beau texte de l'année, terriblement fort et émouvant -, et la sortie du purgatoire des textes d'Hervé Guibert que la jeune génération va découvrir enfin.
 
Vous pouvez imaginer le délice que va être ce dimanche... Le soleil qui brille, un vent léger et parfumé qui porte dans la maison, l'odeur des tilleuls, les oiseaux dans les arbres. Une tasse de thé après un verre de l'excellent Moscato d'Asti des amis Batasiolo, et des livres, plein de livres : Paravel, Safran Lindon, Guibert, mais aussi Paul Auster, le texte sur Cassavetes de Maurice Darmon et deux livres retrouvés dans mes cartons : «Avec Mon meilleur souvenir», et sa suite «Et Toute ma sympathie», peut-être le meilleur de Françoise Sagan depuis «Bonjour Tristesse». Bon dimanche à vous aussi.
Nouvelles vénitiennes
Dominique Paravel
Éditions Serge Safran, 2011 
 
Le voyage du poète à Paris
Serge Safran
Éditions Léo Scheer, 2011
 
 
Ce qu'aimer veut dire
Mathieu Lindon
Éditions P.O.L., 2011
 
 
Fou de Vincent
Hervé Guibert
Éditions de Minuit , 1989
 
A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie
Hervé Guibert
Éditions de Minuit , 1990
 
 
Le Carnet rouge
Paul Auster
Éditions Actes Sud, 1993
 
Pour John cassavetes
Maurice Darmon
Éditions Le Temps qu'il fait, 2011 
 
Avec mon meilleur souvenir
Françoise Sagan
Éditions Gallimard, 1984 
 
Et toute ma sympathie
Françoise Sagan
Éditions Gallimard, 1993


1 commentaire(s):

Anonyme a dit…
Belles lectures et éclectisme de goûts Lorenzo !
Serge

02 mai 2011

Un matin comme les autres à Venise

Souvent, le matin lorsque je me réveille, une sensation de plénitude m'envahit qui contraste avec l'angoisse du soir, celle qui prend parfois avant que de sombrer dans le sommeil. Le jour est à peine levé et les bruits du matin sont encore étouffés par la torpeur de l'aube. L'esprit demeure dans le vague, comme flottant encore. Puis soudain il suffit d'un chant d'oiseau, du moteur d'une barque qui passe sur le canal voisin pour que tout s'ébranle. Les cloches se mettent à sonner, la lumière se fait plus vive et la rumeur de la ville remplace en un instant le silence. Venise au petit matin est un bonheur qu'il faut avoir expérimenté au moins une fois dans sa vie. L'absence de circulation automobile modifie tout. Aucune sonorité n'a la même ampleur qu'ailleurs. Tout y est plus précis, ciselé comme les dentelles de pierre de la Ca'd'Oro. Mes gestes sont alors toujours les mêmes. Je me lève et me dirige vers la fenêtre de la chambre. Les volets poussés claquent contre le mur couvert de lierre. Une lumière joyeuse se répand aussitôt dans la pièce, éclairant d'une lumière de théâtre les draps défaits, le tapis sur le terrazzo ancien. Mais la sensation reste identique les jours d'hiver, quand le ciel est gris et le soleil d'un blanc glacé. Je pense chaque fois à ces pages de Brodsky où ce qu'il décrit ne laisse aucun doute sur son amour presque physique pour Venise :  
 
"L'hiver dans cette ville, le dimanche surtout, vous vous réveillez au carillon des cloches nombrables comme si, derrière les rideaux de gaze, un gigantesque service en porcelaine vibrait sur un plateau d'argent dans le ciel gris perle. Vous ouvrez grand la fenêtre et la chambre s'emplit en un instant de cette brume extérieure chargée de sons de cloches, faite d'oxygène moite, de café et de prières. Peu importe aussi le degré de pilules qu'il va vous falloir avaler ce matin et combien : vous sentez que tout n'est pas fini pour vous. Peu importe aussi le degré de votre autonomie, à quel point vous avez été trahi; la profondeur de votre lucidité à l'égard de vous-même et le découragement qu'elle entraîne : vous admettez qu'il y a encore de l'espoir... Cet optimisme naît de la brume, de la prière dont elle est faite, surtout à l'heure du petit-déjeuner. Les jours comme ceux-là, la ville prend vraiment des allures de porcelaine, avec toutes ses coupoles recouvertes de zinc, comme des théières ou des tasses retournées et le profil penché des campaniles qui luisent comme des cuillères abandonnées."
 
IL est temps de se préparer pour ce nouveau jour. Plaisir de l'eau qui coule sur la peau. La buée sur les miroirs. Le drap de bain écarlate et doux. La radio qu'on écoute à peine et en bas dans la cuisine, les bruits familiers, l'odeur du café, la bouilloire qui frémit. Le chat étendu sur la marche de bois qui mène au jardin, ronronne en somnolant. Il a déjà eu sa tasse de lait. Le chien frétille, il veut sortir. Manteau ou imperméable ? La porte ouverte, le chien qui se précipite. La voisine un peu folle qui balaie en chantonnant, le libraire qui refait une de ses vitrines. Le chien court vers le campo. Il a ses habitudes. Moi aussi : le journal acheté au kiosque voisin, la ruelle qui permet de déboucher à San Barnaba sans suivre la foule, le ponte dei Pugni, un regard et quelques paroles échangées avec les marchands de fruits sur leur barque, l'arrêt à Sta Margherita, puis le retour par le collège arménien, la calle del Vento, les Zattere. Avec, tenace et venu d'on ne sait où, cet état de bonheur indicible qui me porte et met sur mon visage un sourire benêt. J'ai longtemps pensé qu'un jour, devenu très vieux - dieu voulant - j'irai m'asseoir au soleil sur un banc devant le palais Clari, et regardant les navires passer sur le large canal de la Giudecca, je m'interrogerai sur les raisons de ce bonheur-là, rendant grâce pour tant de beauté, de joies et de cadeaux.

Crédits photographiques © Andrew May - kuhlephotography

01 mai 2011

Les Brèves

La grogne continue au RialtoAprès la polémique autour du transfert du marché de poissons, un autre problème vient de surgir sur la lagune. Le peoplemover inauguré en grande pompe il y a quelques mois ne faisant pas recette, l'administration envisage de démolir le marché de gros des fruits et légumes du Tronchetto, pourtant rénové il y a peu. Bien sur cela n'est pas du goût des grossistes ni des revendeurs qui voient d'un très mauvais œil leur transfert sur la Terraferma. Tout ça pour permettre le stationnement de davantage d'autocars de tourisme. Les grossistes craignent à terme la disparition pure et simple de leur activité et les écologistes se plaignent de la difficulté à trouver les produits locaux au profit de marchandises importées d'Afrique ou d'Amérique du sud. Avec cela, les prix augmentent et le panier de la ménagère en pâtit chaque jour. Lettre à Ca'Farsetti (la mairie), pétitions, manifestation au marché du Rialto, tous les moyens sont bons pour ameuter l'opinion et faire reculer l'administration qui a décidément choisi de favoriser le tourisme pendulaire au détriment de la vie quotidienne des vénitiens. Affaire à suivre dans les prochaines semaines.
Grigory Sokolov à la Fenice lundi soir

C'est cette année encore le monumental et talentueux pianiste de Saint Petersbourg, Grigory Sokolov qui clôturera lundi 2 mai prochain, la saison de musique de chambre de la Società Veneziana di Concerti. La virtuosité, la technique et la profondeur du russe seront une fois encore laissées à l'appréciation du public vénitien qui l'avait ovationné lors d'un précédent concert. A 61 ans (il a fêté son anniversaire le 18 avril dernier), le pianiste présentera en première partie du concert, deux oeuvres de Johann-Sebastian Bach, le Concerto italien BWV 971 en trois mouvements et l’Ouverture française BWV 831 en sept mouvements. La seconde partie sera consacrée à Robert Schumann. Le récital à la Fenice se terminera cette fois encore à n'en pas douter, par une standing ovation que le public vénitien réputé difficile ne réserve qu'aux grands interprètes. Une série de bis est à prévoir avec le public debout, incapable de rester assis pour écouter ad libitum l'inspiration d'une grand maître.
Grigory Sokolov
2 mai 2011, Théâtre la Fenice
Informations : www.societavenezianaconcerti.it
Happyspritz@Guggenheim édition 2011Troisième édition de cette manifestation très glamour qui se déroule dans le cadre prestigieux de l'ancienne demeure de Peggy Guggenheim qui revit l'espace de plusieurs soirées comme au temps de la fantasque milliardaire américaine. Art contemporain, musique et convivialité sont les maîtres-mots de cette manifestation très courue à laquelle il faut absolument participer pour prendre la mesure de la vie intellectuelle et sociale à Venise. Avec plus de 5000 personnes les années précédentes dans les jardins de la Fondation, au milieu ds œuvres de Picasso, Magritte, Kandinsky, de Chirico et Pollock, dans une ambiance sonore élaborée par les meilleurs dj-sets du monde, avec la magie des crépuscules de mai, ces ciel souvent splendides qu'on retrouve aussi à New York et qui plaisaient tant à la magicienne des lieux qui aurait terriblement apprécié cet évènement. L'idée est simple : le musée ouvre ses portes en fin de journée à l'heure de l'apéritif, des Dj (en l'occurrence cette année Ricky Russo/In Orbita). animent les lieux, le public se répand dans les jardins, les terrasses et les salles et on boit du spritz en bonne compagnie. certains viennent même en famille terminer là leur passeggiatta. Cela les 2, 9, 16 et 23 mai, de 19 heures à 21 heures 30. L'exposition actuelle est consacrée aux artistes rebelles de l'Avant-garde vorticiste , mouvement anglais des années 1915 soutenu par Ezra Pound. Les collections permanentes sont aussi ouvertes au public venu participer à l'apéritif géant. L'entrée coûte 7 euros. Entrée gratuite pour les détenteurs du Young Pass, la carte de membership que le musée Guggenheim réserve aux moins de 26 ans). Le billet donne droit à un spritz préparé par Aperol, partenaire de l'opération depuis sa création. Cet apéritif est l'occasion de rencontres originales et de confrontations artistiques qui donnent à la visite au musée une dimension très conviviale dont on a peu l'habitude.
Happyspritz@Guggenheim
2, 9, 16, 23 mai 2011, Collezione Peggy Guggenheim
Info www.guggenheim-venice.it

PRIMAVERA A PALAZZO FORTUNY
Camerino, Penso, Ventura
Suivant une formule qui a fait ses preuves, le Palais Fortuny s'ouvre cette année encore le temps d'une saison à trois magnifiques expositions Deux artistes contemporains, Paolo Ventura avec L’Automa et Michelangelo Penso avec Circuito Genetico, se confrontent au monde de Mariano Fortuny, nouveau parcours, expériences originales et véritables laboratoires d'esthétique. A voir aussi la Rivoluzione del colore, l'hommage aux extravagantes et géniales inventions de la styliste vénitienne aujourd'hui disparue, la célèbre Roberta di Camerino.
jusqu'au 8 mai 2011
Palazzo Fortuny

Campo San Beneto, San Marco
www.museiciviciveneziani.it

26 avril 2011

Rencontre avec d'autres (talentueux) Fous de Venise


Savoir voyager c'est appliquer à la lettre la formule de Jean-Paul II qui sera béatifié à Rome, le 1er mai prochain, "N'ayez pas peur" (c'est d'ailleurs, pour ceux qui s'en souviennent, sur ces paroles que la journaliste de la radio suisse romande qui m'interviewait un jour avait commencé son reportage). Le touriste façon Montaigne ou Stendhal n'a rien à voir avec le gogo qu'on trimballe en masse compacte d'autocar à air conditionné en bateaux-mouches pressurisés avec commentaires pré-digérés, ânonnés machinalement par une hôtesse à la voix sirupeuse et au cerveau de poule (et ce dans toutes les langues du monde). Non le vrai voyageur c'est avant tout un être raffiné et heureux, ouvert à toutes les aventures esthétiques, dénué de tout a priori, réservé mais pas méfiant, parfois sarcastique mais jamais catégorique. 
Bref, le touriste (appelons-le "voyageur") n'est pas une espèce en voie de disparition, mais il se fait rare, perdu dans la masse des hordes de gogos trimballés d'un monument à un autre sans avoir le temps de prendre la mesure de ce qu'il leur est donné à voir, sans respirer l'atmosphère des lieux qu'ils découvrent au pas de charge. Je viens d'en rencontrer d'eux que Tramezzinimag a le plaisir d'inscrire d'office sur sa liste des Fous de Venise, bons vénitiens d'instinct qui savent voir, aiment regarder et prennent leur temps pour comprendre et ressentir. Il s'agit de Kate et de René, animateurs d'un blog efficace et poétique, moderne ce qu'il faut, au titre significatif : "J'y suis, j'y reste " qu'ils décrivent simplement par ces mots : "de tout est de rien". Ceux qui me connaissent comprendront pourquoi cela me plait... Les auteurs de ce blog ont laissé un sympathique commentaire sur un de mes derniers billets. Par curiosité, je suis allé à la découverte du leur : Un enchantement. 

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