02 janvier 2009

Concerto di Capodanno à La Fenice

C'est Georges Prêtre qui dirigeait cette année l'Orchestre et le Choeur de la Fenice, pour célébrer la nouvelle année. Trois représentations avec des billets entre 15 et 300 euros pour assister au traditionnel "concerto di Capodanno".
 
Après Lorin Maazel en 2004, Kurt Masur en 2006, Kazushi Ono en 2007 et Claudio Abbado l'année dernière, le chef français, âgé de 84 ans, déjà invité à Venise (comme à Vienne) pour le nouvel an, a soufflé musicalement l'avènement de 2009 avec plusieurs grandes oeuvres italiennes, allemandes et françaises, formant l'incontournable Concerto di Capodanno avec des standards italiens très "radio classique" comme le choeur "Va pensiero" de Nabucco et le joyeux"Libiam ne'lieli calici" de La Traviata (en clôture), de Giuseppe Verdi. Choisi par le maestro : l'Ouverture de Tannhäuser (version de Paris) de Richard Wagner La célèbre valse de Maurice Ravel, l'Ouverture de Guillaume Tell de Rossini ; mais aussi des extraits de Carmen de Georges Bizet, de la Norma de Bellini, et de Offenbach avec la Barcarolle des contes d’Hoffmann... Le concert était aussi retransmis sur la RAI Uno et sur Arte.
 
Ces airs m'ont fait penser au plus jeune frère de ma mère, mon oncle Jacques, et à sa femme Marie-Antoinette, disparus tous deux en 2008, a quelques mois d'intervalle. Grand amateur de Bel Canto, il voyageait dans le monde entier pour satisfaire sa passion des belles voix et des grandes mises en scène. Je lui dois mon initiation à cette musique et mes quelques connaissances de l'art musical et scénique, et de cette mirifique période italienne (qui dura des débuts du Risorgimento jusqu'à la Belle Époque), que l'ouragan de 1914 allait définitivement emporter, ne laissant aux générations qui suivirent que des bribes et des vestiges de ce qui fut une ère fabuleuse pour l'opéra : Rossini, Verdi, Puccini, Wagner... Ce billet en hommage. Et pour tous ceux qui n'y seront pas, une vidéo offerte par Arte :

6 commentaires:

yann a dit…

Bonjour, vous savez si la suite du concert est disponible ?
Merci.

Gérard a dit…

Quelle tenue , n'est-ce pas ?
On voudrait garder nos vieux Maîtres par chez nous , les serrer très fort dans nos bras .
A n'en plus finir .
Et puis tout est trop loin , les êtres , les Arts , leur si grand talent .
Qui se déverse , torrentiel , comme ici cette absolument géniale ouverture de Guillaume Tell .
Quand il a annoncé ses voeux à toute la Fenice , Georges Prêtre a commencé par ce préambule : " A ma petite femme chérie ......., etc "
Ce vieux monde et ce monde de vieux porte une telle modernité , que Venise est rentré chez moi à l'instant de ses paroles , directo .
Ce fut tant mieux !

Lorenzo a dit…

A ma connaissance il n'y a que des extraits sur internet. Certainement parce qu'un projet de disque ou de DVD est à l'étude.

Lorenzo a dit…

Voilà Gérard le mot qu'il fallait avoir pour résumer ce superbe concert. Cette délicatesse, cet amour et la force de la conviction d'un homme qui a toujours vécu pour la musique. C'est vrai que Venise c'est cela, l'intensité des émotions, l'authenticité des sentiments et la richesse intérieure des contemplatifs...

MARCO a dit…

j'ai assisté au concert du 30 décembre (le premier des 3): un seul mot: "magique" pour le lieu et la prestation du maestro Prêtre ; souplesse, beauté plastique, aisance, liberté au service des œuvres..; cela nous change de tous ces chefs qui veulent nous faire des reconstitutions soi-disant historiques qui n'ont aucune âme; merci maestro et longue vie à vous.

Scènes de rue en fin d'année

Ces quelques photos prises dans les derniers jours de décembre 2008. Il n'y a rien qui me réjouisse davantage que ces instantanés de vie qu'on surprend à chaque coin de rue à Venise en hiver, quand les touristes se font un peu moins nombreux. Le moindre rayon de soleil éclaire la vie quotidienne comme un projecteur une scène de théâtre. Être le spectateur de cette vie quotidienne est un vrai bonheur.
 

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2 commentaires:

le bord doré des nuages a dit…

J'avais oublié les réverbères rosés, ça me fait du bien de les revoir..Je vous souhaite une Excellente Année 2009 cher Lorenzo à vous et à votre entourage ,en espérant que vous continurez à nous faire rêver tout au long de cette nouvelle année. merci encore.

Mercè a dit…

L´ hiver c´est mon temps prefere pour voayager a Venezia, pour moi c´est le temps que la lumiere c´est plus belle.
Merci pour ces belles photos qui me font revivre mes sejours a Venezia.
Mes meilleurs voeux pour le 2009


01 janvier 2009

Buon Anno a tutti !

Amis lecteurs, Fous de Venise, vous qui suivez fidèlement Tramezzinimag depuis quatre ans maintenant, je vous souhaite de tout coeur une   

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2009 ! 
 
Que tous vos voeux se réalisent : Santé, Joie, Bonheur, Réussite Et en cadeau, pour ceux qui comprennent l'italien, le clin d'oeil de Beppe Grillo, qui dit avec humour l'inanité de ce monde pervers de l'ultra-libéralisme qui tue peu à peu toute liberté, toute vie sociale et ne fait que l'affaire des élites mafieuses qui gouvernent aujourd'hui l'Italie et demain, si nous n'y prenons garde, s'empareront de l'Europe.
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6 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci & Bonne Année à vous également, Lorenzo... Sous la neige fondue qui dégringole des toits, dans le silence tranquille des lendemains de fête, ce matin, à Castello. Encore 8 jours de Sérénité avant de retrouver la gare St-Jean...

FRANCOIS a dit…

Buon Anno a tutti !

Merci à lorenzo de nous bercer chaque jour dans la vraie ambiance de la Venise authentique qu'on aime tant!
Je n'ai pas pu aller à Venise en 2008 et la manque est immense ...2009 me permettra de revoir pour la 7° la sérénissime j'espère!

Anonyme a dit…

Etant moi même originaire du Veneto (sang pour sang) mais né en France, j'y ai séjourné régulièrement pour mes étés d'enfance.
Malheureusement, devenu adulte et vivant dorénavant dans l'autre hémisphère (...et à l'autre extrémité du fuseau horaire), j'ai bien moins souvent l'occasion de me ressourcer dans ma région favorite et la dernière fois que j'ai pu m'y rendre remonte à l'hiver 2000-2001.
Je suis "tombé" sur ce site par hasard en tapant BUON ANNO A TUTTI sur Google...
Que l'expression d'un souhait aussi aussi machinale que sincère permette "d'atterrir" à Venise, que voilà un bien joli présage pour ma nouvelle année.

Lorenzo a dit…

C'est tout le bonheur que que je vous souhaite ! Revenez souvent nous lire sur Tramezzinimag et Buon Anno a Lei !

J F F GrandsLieux a dit…

Viva Beppe !
Malheureusement, l'année 2009 a été pire que ce qu'il annonçait.
Que doit-il dire aujourd'hui !
Bonne année 2010, Lorenzo, qu'elle vous apporte voyages à Venise en nombre, recettes géniales, textes à succès, et regards de désirs...

01 décembre 2008

Ronde du monde par Juliette Fabre

Juliette Fabre est une jeune bordelaise venue faire ses études à Venise. Installée depuis peu dans la cité des doges, elle partage son temps entre l'université, les expositions et le violoncelle, grâce auquel j'ai fait sa connaissance. Elle m'adresse aujourd'hui sa première contribution à Tramezzinimag : le vernissage à la Bevilacqua La Masa, de l'exposition-installation de William Kentridge, artiste sud-africain, plusieurs fois présent à la Biennale. Quasiment du direct.

À 11h30, la Fondation Bevilacqua La Masa ouvre enfin ses portes, et c'est les pieds humides que nous entrons. William Kentridge, plasticien, metteur en scène et scénographe sud-africain n'avait peut être pas prévu que ce dimanche 30 Novembre 2008, il y aurait acqua alta ! Le palazzetto Tito subit le flux et reflux de la foule qui se presse pour assister à l'inauguration de l'exposition (REPEAT) from the beginning/Da Capo. À l'intérieur, des sculptures en fer forgé, des peintures, de la vidéo. L'artiste varie les médiums mais toujours avec cette préoccupation/obsession du cycle, de la répétition et, à l'intérieur de celui-ci, l'instant de grâce, unique, explicite. On pourrait penser que le fait même de répéter rend l’œuvre uniforme, lisse. Il n'en est rien. Les sculptures, d'abord, de par leur matière et leurs agencements, demeurent rugueuses, déstructurées voire agressives. Présentées sur des chevalets mobiles, le spectateur est libre de faire tourner les structures. A première vue, elles semblent n'être qu'une composition abstraite, puis en se prenant au jeu, on cherche “l’œil du prince”, le point de vue parfait qui permet de voir se composer le visage d'une femme, un homme-cheval, un vieux phonographe.

Il est intéressant de voir combien le spectateur se réjouit lorsqu'il arrive à percer le secret d'une œuvre. Ici, le fond, le sens et la forme se confondent. L’œuvre nous manipule dans le sens où c'est elle qui nous impose le moment pour se dire “oui, ça y est, je peux m'identifier à cette œuvre”. Mais il est évident que la chose ne se trouve pas tout de suite. Pour cela, la scénographie (on voit bien que c'est une spécialité de l'artiste) est assez remarquable.

C'est d'abord par les sculptures que nous commençons. À part l'une d'elle vraiment explicite, le spectateur n'y voit qu'une production abstraite. Salle suivante : grâce à un procédé d'ombre projeté et de plate forme, la sculpture tourne sur elle même indépendamment. Puis, trois vidéos sont projetées. L'une d'elle en particulier donne des clés pour mieux comprendre le manège de ces êtres de fer, éclatés trouvant en un moment clé leur raison d'être dans l'échange avec celui qui observe. Au delà du rapport œuvre/spectateur, ces sculptures mobiles se font réellement peinture d'un monde déstructuré, en pièces, insensé dans sa ronde infinie mais aussi de la magie de l'ici et maintenant, dans la jouissance de l'instant présent.

Juliette Fabre
William Kentridge
(REPEAT) from the beginning/Da Ca
po
30/11/2008 - 16/01/2009
Fondazione Bevilacqua La Masa
Palazzo Tito, Dorsoduro 2826
(Fondamenta Rio San Barnaba)
Tél. : 041 520 77 97
Entrée : 3 € (tarif réduit : 2€)
de 10H.30 à 17H.30
Fermé Lundi et mardi
Catalogue édité par La Charta, Milano.
112 pp. 13,50 €

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

La BBC a filmé l'acqua alta : http://news.bbc.co.uk/2/hi/7759467.stm
impressionnant! Marie G.

La terrible Acqua Grande de 1966

Quelques clichés de 1966... Des images-choc conservées dans les archives de la ville, qu'on aimerait ranger définitivement au rayon des souvenirs !
 

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1 commentaire:

Florence a dit…

En 66 mes grands-parents se sont retranchés sur leur table de cuisine.
Dernièrement je suis allée regarder la station météo au pied du campanile.
L'acqua grande de 1966 est représentée et c'est impressionnant.
Florence

Montée des eaux d'un niveau exceptionnel aujourd'hui

Le Centre des Marées de Venise (nord-est de l'Italie) a lancé ce matin une alerte à l'aqua alta, car la mer devrait atteindre à la mi-journée une hauteur de 1,60 m au-dessus de son niveau normal, un record depuis trente ans, comme l'indique l'AFP dont la dépêche a été reprise par l'ensemble des médias aujourd'hui.
 
Pourtant, cela n'a hélas rien d'anormal et cette alerte reste malheureusement de saison. La hauteur prévue sous-entend une montée des eaux de près de un mètre dans certains endroits de la ville avec toutes les conséquences, visibles et invisibles que cela peut avoir. Ce qui serait vraiment inquiétant, c'est la conjonction des marées avec une tempête comme il y en eut une en 1966 sur l'ensemble de la péninsule. 
 
A priori, les prévisions météorologiques, si elles ne sont pas merveilleuses, ne prévoient pas de dégradation dangereuse dans les prochains jours. Mais, on ne sait jamais surtout avec le dérèglement climatique que nous vivons depuis quelques années. Le maire, Massimo Cacciari a recommandé aux gens d'éviter de sortir. Non pas tant parce qu'il y aurait danger à se promener en ville, mais pour éviter tout cafouillage car, en dépit de la saison, on dirait qu'il y a toujours autant de touristes et ceux-ci ont des réactions parfois inattendues devant l'acqua alta
 
De plus, comme le personnel de l'ACTV est en grève et les vaporetti pas plus que les bus de terre ferme ne fonctionnant, un afflux de piétons supplémentaires... Cela fait beaucoup. 
 
Le niveau de l'eau devrait diminuer d'heure en heure, pour revenir à la normale vers 19 heures. L'acqua alta reviendra cette nuit et devrait encore dépasser un mètre demain en fin de matinée. On est encore loin des deux mètres de la grande marée de 1966. Croisons donc les doigts, le mauvais temps sur la péninsule ne permet pas d'être totalement optimiste, mais les moyens de prévention et d'alarme qui existent aujourd'hui permettent d'anticiper les risques de catastrophe. 
 
Venise on le sait, est menacée depuis des années par la montée des eaux. L'écosystème lagunaire a été totalement bouleversé ces cinquante dernières années avec la percée du grand chenal amenant les tankers et autres énormes navires vers la zone industrielle de Marghera et le réchauffement augmente le niveau des mers. Venise est donc très exposée. 
 
Le projet MOSE qui devrait permettre de fermer les bouches d'accès à la lagune en cas de fortes marées est loin d'être terminé et personne ne saurait dire aujourd'hui si l'ouvrage pharaonique remplira son rôle...
 
La pluie et le vent se sont déchaînés la nuit dernière. Une cheminée est tombée dans la nuit, près du ponte delle Gate, à Castello. Les pompiers ont dû aussi récupérer quelques embarcations tentées d'aller voir au fond de l'eau. Rien de trop alarmant. La protection civile a tout de même été mise en alerte cette nuit jusqu'à nouvel ordre.

2 commentaires:

Marie a dit…

j'ai été informée de cette montée des eaux "record" et je suis de tout coeur avec les vénitiens..
Je croyais que le projet MOSE ( j'ai vu un mini reportage télé y'a pas si longtemps) serait prochainement ( 2009 ou 2010, je ne sais plus) opérationnel. Ce ne serait donc pas vrai?

Lorenzo a dit…

Il a fallu quelques mois aux vénitiens du XVe siècle pour construire le pont du Rialto, près de dix ans à la technique moderne pour en finir avec le pont Calatravà ! Le projet MOSE s'il voit le jour fêtera ses 45 ans à sa naissance. Viva la bureaucratie !

23 novembre 2008

COUPS DE CŒUR N°31

John Blow
Venus & Adonis
dirigé par René Jacobs
Clare College Chapel Choir dirigé par Timothy Brown
Orchestra of the Age of Enlightnment
HMG501684 - Coll. HM Gold, Harmonia Mundi. (enregistré en 199) - 2008.
Il y a parfois des mystères inexplicables. On rentre chez le disquaire parce qu'on a quelques minutes devant soi et on est accueilli par une musique magnifique, pleine et profonde. Pas le temps de se renseigner pour savoir ce que c'est. Quelques jours plus tard, invité chez un ami, on découvre de quoi il s'agit et c'est le bonheur. Comme les livres, les disques arrivent dans notre vie le plus souvent par hasard et marquent un évènement, répondent à un besoin ou illustrent une pensée. C'est le cas de ce disque pour moi. Un enregistrement de toute beauté dirigé par René Jacobs, paru en 1999 et repris dans la belle collection hmGold. De très belles voix, élégantes et impliquées, (la soprano Rosemary Joshua dans le rôle de Vénus et le baryton Gerard Finley dans celui d'Adonis, le contre ténor Robin Blaze pour Cupidon notamment) des instruments anciens parfaitement maîtrisés. Ce "masque pour le divertissement du Roi" Charles II, composé en 1680, par le musicien de la cour John Blow. Ce compositeur est encore méconnu, pourtant il composa des centaines d'hymnes, de nombreuses odes et de nombreuses songs dont certaines sont de nos jours encore très populaires. Elève de Gibbons, sa renommé commença enfant, grâce à sa voix de soprano tellement réputée que sa mue en 1664, fut présentée, par les gazettes de l'époque, comme une catastrophe . Rentré comme claveciniste du roi à la restauration (on est dans les années noires qui virent la décapitation du pauvre Charles Ier, le règne de l'infâme dictateur néo-républicain Cromwell), il fut l'organiste de l'Abbaye de Westminster. Mais il est resté dans l'histoire avant tout comme le professeur du jeune Purcell choriste.
Mais pour revenir à cet opéra (le premier opéra anglais entièrement chanté) , les amateurs de musique ancienne - et les autres certainement - ne pourront rester indifférents à l'originalité, la maîtrise et la beauté de la musique. Il y a notamment un passage merveilleux, à l'acte III, quand Vénus pleure la mort prochaine d'Adonis. qui va expirer à ses pieds. La scène finale est somptueuse : Vénus crie sa douleur et son désespoir, puis conduisant somptueusement le deuil du demi-dieu, elle emmène le choeur dans une déploration finale qui fait frisonner l'auditeur. Il y a dans cette musique anglaise quelque chose de la somptuosité picturale vénitienne. En écoutant cette oeuvre, j'ai sans cesse devant les yeux des toiles du Tintoret et du Titien.
 
Antonio Vivaldi
Nisi Dominus et Stabat Mater
Marie-Nicole Lemieux, Philippe Jaroussky,
Ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi
Label Naïve, 2008 - OP 30453.
Comme l'a écrit un critique, ce disque est d'une grande émotion. "Il y a deux manières d'aborder le Stabat : on peut rechercher la représentation d'une douleur stylisée, qui peut engendrer l'écoute musicale et la prière; on peut aussi vraiment incarner la douleur de la mère. Marie-Nicole a chanté le Stabat Mater comme une mère, cette mère qui pleure la chose la plus terrible qu'il y ait au monde - la perte d'un enfant. Elle incarne et vit directement les mots. Lorsqu'elle chante « dum pendebat filius", En dépit de la gravité des paroles, on a l'impression qu'il s'agit d'une berceuse, que la mère berce une dernière fois son enfant. Splendide. Le contre ténor parvient à égaler James Bowman, qui reste cependant pour moi le meilleur interprète de ces oeuvres de Vivaldi malheureusement peu connues du grand public. Le névralgique et si fameux "Cum dederit" du "Nisi Dominus". Jean-Christophe Spinosi exprime avec justesse la sensation qui prend l'auditeur en écoutant cet air extraordinaire : "Le Cum dederit utilise un principe que j'appelle "mouvement immobile", que je trouve très vénitien. À Venise, sur les canaux, le soir, quand il n'y a plus aucun mouvements, quand on pousse une barque, elle avance mais on a l'impression qu'il n'y aucun mouvement tant l'onde est calme. Il y a une composante à la fois onirique et aquatique. Pour atteindre ce mouvement immobile, j'ai pensé à la dernière minute qu'il fallait ralentir encore plus. Et ce qui est extraordinaire, c'est que Philippe aurait pu dire : Ce n'est pas comme cela qu'on fait d'habitude. Au contraire, il a adhéré au tempo immédiatement. Ce genre de moment, c'est grand ! ». Un très beau disque, sorti il y a un an qui fera un très beau cadeau de Noël à faire (et à se faire !). 
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Wlodzimierz Odojewski
Une saison à Venise
Rivages, Editions Payot. 2008
Les souvenirs d’enfance sont bien les plus beaux et les plus intenses que l’on conserve au cours d’une vie. Ce petit roman réveillera certainement en chacun de vous les émerveillements d’antan, entre rêve, illusion et réalité.
Marek, neuf ans, attend avec impatience ses premières vacances à Venise, lieu de villégiature familiale. Or nous sommes en Pologne en 1939, et le pays commence à être envahi par l’Allemagne nazie. A défaut de Venise, c’est dans la maison de tante Weronika, située en pleine campagne, que le petit garçon passera ses vacances d’été. Le foyer recueillera rapidement le reste de la famille. Cependant, la joie de retrouver ses proches ne résistera pas longtemps à la déception de devoir différer l’accomplissement de son rêve. Un jour, alors que les bombardements se font plus que jamais menaçants, une source miraculeuse - à moins qu’il ne s’agisse d’une canalisation déficiente - va inonder la cave. Alors que tante Weronika percevra les vertus thérapeutiques de cette eau lustrale, et émettra l’idée de créer des thermes, tante Natacha, de son côté, va imaginer de réinventer Venise. Les planches à repasser et les tables de ping-pong serviront de terrasses, les baquets de la buanderie feront de très convaincantes gondoles et le violon et le vieux piano seront parfaits pour les concerts du soir. Ainsi, tandis que les obus déchirent le sol et que les soldats meurent par milliers, les enfants sont protégés des affres de la guerre grâce à l’univers onirique qu’ils ont créé dans leur cave...
Avec ce court texte, Wlodzimierz Odojewski, né en 1930 en Pologne, nous offre un véritable petit bijou de sensibilité, de grâce et de délicatesse. "Il y a du Grand Meaulnes dans ce roman" comme l'écrit Dominique Aussenac dans le Matricule des Anges. Une saison à Venise fait partie de ces textes qu’on lit d’une traite, mais qui nous berce encore longtemps de sa douce mélodie. Il nous signifie ainsi que nos jeux d’enfant sont décidément inoubliables. (Remerciements à la librairie Mollat).
 
Patrick Barbier
La Venise de Vivaldi, Musique et fêtes baroques
Editions Grasset. 2002.
La République de Venise vit somptueusement ses dernières heures de gloire. Nous sommes au XVIIIe siècle. Jamais on ne s'est autant diverti, jamais la fête et la musique n'ont occupé une telle place dans la vie quotidienne. Le carnaval (qui dure entre cinq et six mois), les fêtes d'Etat, le jeu, mais aussi les concerts, les nombreuses cérémonies religieuses et l'opéra provoquent l'admiration et l'envie des visiteurs du monde entier qui font de Venise la destination favorite de l'élite internationale... Vivaldi, dont le nom est inséparable de Venise, écrit ses concertos pour les jeunes filles des Hospices et ce religieux, se comporte au théâtre en homme d'affaires, aussi doué que rusé. Du carnaval aux réceptions dans les ambassades, de la basilique Saint-Marc aux grands théâtres d'opéra, des barcarolles sur les canaux à la musique des cloîtres, l'auteur, à partir de textes et de correspondances de l'époque du prêtre roux, mais aussi grâce à de savoureuses anecdotes transmises à venise depuis cette époque, ressuscite parfaitement la vie musicale de cette ville incomparable.
Patrick Barbier, italianiste de formation, est professeur de musique à l'Université Catholique d'Angers. Il est l'auteur, entre autres, d'un très intéressant essai sur les castrats italiens à la Cour de Versailles, "La Maison Des Italiens" paru en 1999 chez Grasset, dont je vous reparlerai.
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B&B La Madonetta
San Polo 1440
30125 Venezia
39 041 5287880
Il fallait que je vous parle de ce Bed & Breakfast de charme, situé non loin du campo San Polo, facilement accessible à pied ou par le vaporetto, et qui, pour 90 euros par jour en hiver, propose des chambres pour deux très agréablement meublées, propres et confortables. La maison est accueillante, le salon très convivial permet de se relaxer quand on a les pieds endoloris par des heures de marche à travers la ville. On peut y bouquiner dans le calme, surfer sur internet avec l'ordinateur de la maison ou avec le sien. Le petit déjeuner est copieux et fait devant vous dans la grande cuisine de la maison. Pour les amateurs du thé de cinq heures, tout le matériel pour se concocter une bonne théière - ou une cafetière - est à disposition. Une des meilleures adresses dans cette gamme de prix (100 euros la chambre pour deux avec un lit supplémentaire possible, en pleine saison). Bien sûr, ce n'est pas la meilleure solution quand on veut séjourner en hiver à Venise, l'idéal demeurant l'appartement qui permet pour une somme souvent raisonnable de se sentir chez soi et de tenter de vivre vraiment à la vénitienne, en faisant ses emplettes, en cuisinant les produits du cru et en organisant sa journée au rythme de ses envies. Mais c'est souvent bien mieux que l'hôtel impersonnel et toujours très cher. Quel plaisir a-t-on après une journée fatigante, de se retrouver dans une chambre exigue et impersonnelle ? Et puis comment satisfaire l'envie d'un verre de lait à deux heures du matin ou d'une pastaciutta quand dehors tout est fermé ? A moins de loger au Gritti ou au Cipriani, aucun room-service ne vous sera proposé dans les auberges au tarif abordable !

1 commentaire:

Michelaise a dit…

oui oui bien sûr la solution c'est l'appart, d'autant que le choix est de plus en plus vaste, et surtout que cela permet de "tester" les quartiers de Venise, la vie n'est pas la même partout !
Mais merci pour cette maison d'hôte, la formule est parfois très agréable

21 novembre 2008

Quand le froid arrive, viennent aussi des envies de cuisine

L'hiver à Venise peut-être rude. Qu'il s'agisse de ce brouillard tellement dense qu'on en perd son chemin et qui vous glace les os, de cette pluie fine comme en pleine mer accompagnée d'un vent glacé ou de la neige qui tombe parfois en abondance. Il est agréable ces jours-là, quand rien ne nous contraint à sortir, de se mettre aux fourneaux. La cuisine vénitienne dispose de toute une série de plats roboratifs, faciles à réaliser et drôlement bons à déguster. Laissez donc votre quotidien belge, canadien, suisse ou français et rejoignez-moi dans une cuisine de Venise.
 

Mon premier geste est de mettre de la musique. Avec internet, il est facile d'avoir à tout moment le programme que l'on désire. Pour ma part, je cuisine en compagnie de Otto's baroque radio, une radio américaine qui diffuse 24 heures sur 24 de la musique ancienne. Vivaldi et Bach y sont à l'honneur. Mise à part la minute de publicité réservée aux sponsors de la radio (je baisse toujours le son à ce moment-là, en mauvais consommateur que je suis). Mais si vous n'avez pas d'informatique sous la main, un bon disque fera l'affaire. Un éclairage chaleureux (bannissez ces horribles puits de lumière clinique balancée par les plafonniers et optez pour des points de lumières indirectes), une tasse de thé ou un verre de vin posés à côté de vous pour entretenir vos forces, et au travail. Produits frais du marché achetés le matin même au Rialto ou chez un des commerçants chez qui vous vous servez depuis toujours. Aujourd'hui dans le panier : ricotta et mascarpone, amandes et pignons, haricots blancs, persil, ail et oignons, coques de toutes sortes, bigoli (pâtes typiquement vénitiennes à la farine de sarrasin), pour réaliser la pasta fagioli, des bigoli cassopipa et des fritelle della nonna.

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Pasta Fagioli
Voilà un plat que vous connaissez tous certainement. J'en donne ici la recette la plus authentique que je viens de retrouver dans un très vieux carnet de cuisine de famille (daté de 1863 !). C'est un mets d'origine paysanne qui s'est diffusé au fur des années jusqu'à la table du doge. 
Il faut des haricots blancs frais, à Venise on choisit des fagioli di Lamon ou des borlottini (les meilleurs sont les "baete" de San Erasmo qu'on s'arrache au marché quand les mareyeurs en apportent). Sans haricots à peine glanés, on en utilise des secs mais pas de ces machins industriels. On en trouve de très bons dans les boutiques bio. Il faut les mettre à tremper une nuit dans de l'eau mêlée de bicarbonate de soude. 
Faire revenir deux gros oignons, une carotte, du céleri, une branche de romarin, du laurier dans de l'huile d'olive. Quand les ingrédients commencent à cuire, ajouter les haricots avec un os de jambon. Couvrir avec de l'eau. Ajouter du gros sel, et laisser bouillir environ quarante minutes. 

Quand le mélange est cuit, mettre de côté environ 1/3 des haricots et passer au chinois le reste. Ajouter les haricots mis de côté. Ajouter à la soupe obtenue une petite quantité de pâtes, de préférence des subiotini (sortes de petites tagliatelles) mais du vermicelle épais peut faire l'affaire et remettre à cuire.

Servir chaud après avoir ajouter un peu de poivre et de l'huile. 

Certains ajoutent du parmesan mais c'est une entorse à l'usage. Pourtant, il est vrai que c'est délicieux avec alors au diable les usages ! Pour ma part, j'ajoute à la fin un hachis d'ail et de persil.
...
Bigoli in cassopipa
Bon là un peu de précision. Les coquillages c'est du sérieux. Chaque fois que je vais au marché en acheter je me pose la même question : avec la pollution des mers, est-ce que ces délicieux mollusques sont sains ou sont ils imprégnés de mercure, d'uranium et de pétrole ? Mais ne nous décourageons pas et c'est tellement bon ! 
Il vous faut 3 kilos de coques à votre discrétion (moules, bulots, palourdes, coques, etc...) ,
1 gros oignon, 4 gousses d'ail, 500 g de spaghetti Bigoli (à la farine de sarrasin) ou à défaut des spaghetti à la farine entière, de l'huile d'olive, du poivre et du bouillon de poisson ou à défaut un bouillon de légumes, quelques anchois.

Dans un faitout en fonte (cassopipa en dialecte vénitien), verser directement l'oignon haché, l'ail, l'huile et les coquillages que vous aurez trouvé sur le marché. Cuire à feu doux (les vénitiens disent "pipare") jusqu'à ce que les coquillages s'ouvrent. Enlever la chair des coquilles, ajouter de l'huile à discrétion, du poivre et un peu d'anchois salées en morceaux, jusqu'à l'obtention d'une sauce suffisamment parfumée que vous tiendrez bien au chaud jusqu'à la cuisson des pâtes. Quand celles-ci sont prêtes et égouttées, mélanger la sauce avec les coquillages, du persil et de l'ail cru hachés et un peu d'huile d'olive, si vous avez peur que cela soit sec. C'est succulent !
...

Fritelle della nonna
Il vous faut 450g de ricotta, 150g mascarpone, 150 g de farine de riz et 100 g de pignons autant d'amandes effilées, de l'huile de friture.
 
Dans une grande jatte, mélanger doucement à la cuillère, la ricotta, la farine et le mascarpone. La pâte doit être consistante sans être sèche et ne pas coller aux doigts. 


Former des petites boulettes en introduisant au milieu des pignons et des amandes. Aplatir ensuite les boulettes de façon à obtenir des sortes de frites plates d'environ 2 cm de large sur 5 cm de long. 

Faire cuire dans un poêlon avec de l'huile chaude. Égoutter sur un linge ou un papier absorbant, sucrer. 

On peut aussi varier le goût en nappant les fritelle della nonna de miel qu'on aura pris soin de faire chauffer afin qu'il caramélise un peu et les enveloppe bien. Je les sers avec la crème à la vénitienne ou mieux avec un sabayon.
...
Illustration : Marcela Brusegan
("Libro per Cuocho". Manuscrit anonyme vénitien du XIVe siècle).


1 commentaire:



Anonyme a dit…
Merci encore et toujours pour ces coups de coeur qui me donnent envie de filer chez mon disquaire et mon libraire. Bonne semaine à vous, Lorenzo!
Vichka

19 octobre 2008

La Parmigiana di melanzane

Alors cette fameuse parmigiana. Il y a autant de recettes que de maitres-queue en Italie. Juste pour l'information, les italiens du sud, notamment ceux de Sicile, prétendent que la vraie recette ne comportait pas de parmesan, mais du cacciacavallo (délicieux fromage au demeurant), d'autres n'y mettent que de la mozzarella. certains en font uniquement un antipasti, d'autres un plat de résistance en développant le côté gratin. à vous de choisir. Il y en a même qui utilisent des tranchez d'aubergines préalablement grillées. Dernière chose : à Venise, on ne met pas d'ail. Trop rustique pour les palais vénitiens. Mais personnellement, faire la cuisine sans ail me perturbe ! 

Pour réaliser ce plat, il vous faudra 1 ou 2 belles aubergines, 1 gros oignon, 1 belle tomate cœur de bœuf mûre à point, du parmesan frais, un flacon de passata di pomodoro (celle que je préfère depuis que nous n'en faisons plus nous-même est celle de la marque Giaguaro), de l'huile d'olive, du basilic frais, de la coriandre, de l'ail, du sel et du poivre, de la mozzarella fraîche (de la vraie faite avec du lait de bufflesse bien entendu). 

Faire chauffer l'huile dans une sauteuse. J'en mets une assez large quantité car les aubergines absorbent vite la matière graisse. Y jeter les oignons hachés finement. Quand ils deviennent transparents, ajouter les aubergines coupés en tranches les plus fines possibles et non pelées, puis ajouter de l'ail haché et du sel (je mets du gros sel par habitude). Couvrir et laisser cuire à feu doux en remuant de temps à autre pour éviter que les aubergines n'attachent. Si besoin est, ne pas hésiter à ajouter de l'huile. Les légumes ne doivent pas brunir mais s'imbiber peu à peu de d'huile et du parfum des oignons et de l'ail. 

Quand l'appareil vous semble suffisamment cuit, ajouter les tomates en tranches fines et la passata di pomodoro. Bien mélanger et laisser réduire. Ma grand-mère ajoutait un morceau de sucre pour lutter contre l'acidité des tomates. Quand le mélange est onctueux comme crémeux, ajouter poivre et coriandre, le basilic et le parmesan. Si vous servez cette préparation avec des pâtes (je prends des penne rigate) qui auront cuit pendant la préparation de la parmigiana avec seulement un cube de bouillon aux herbes et un gros morceau d'ail, il faut mélanger la sauce obtenue avec les pâtes et ajouter au dernier moment la mozzarella en tranche. Il peut être nécessaire de rajouter un filet d'huile d'olive. 

Si la parmigiana est un plat unique ou destiné à accompagner une viande ou une volaille (c'est délicieux avec une écrasée de pommes de terre ou de la polenta en purée), mettre une partie de la préparation dans un plat allant au four, puis une couche de mozzarella, puis encore du parmesan (n'hésitez-pas, plus il y en a meilleur c'est), puis encore des légumes et finir par le reste de mozzarella et du parmesan, un filet d'huile d'olive et mettre au four jusqu'à ce que le dessus soit gratiné. Servir tout de suite. C'est délicieusement délicieux ! 

Photo empruntée à Bolli's Kitchen que je remercie. 


2 commentaires:

Lena a dit…
Exactement ce qu'on souhaite en ce moment, un plat délicieusement fondant, riche et parfumé...et une recette authentique! Je dis oui, trois fois oui!
Elsa a dit…
Demain j'achète des aubergines.